La Légende des amandiers en fleurs
de Patrick Lowie

critiqué par Craspignac, le 11 avril 2004
( - 49 ans)


La note:  étoiles
Cap sur le bonheur
Emblématiquement. Comparons l'ouverture des deux premiers romans de Patrick Lowie, Au rythme des déluges et La légende des amandiers en fleur, tous deux parus aux éditions Labor. Précisons tout de même que les deux livres peuvent se lire indépendamment l'un de l'autre. Chacun commence à Lisbonne. Dans le premier, Pedro regarde, depuis sa fenêtre, les bateaux traverser et retraverser le Tage, ce fleuve dont l'eau ressemble à la mer. Dans le second, il n'est plus spectateur, il est sur l'un d'eux, à traverser et retraverser. Et c'est là, dans ce mouvement, qu'il va se décider à partir vraiment, et ne plus se contenter de voyages immobiles. Partir à cause de la mort d'un ancien (mal-)aimé, exécuté en Inde, probablement à cause de son homosexualité. Le temps de laisser passer encore quelques mois et de se débarrasser (dans la mesure du possible) de quelques affaires en cours et de s'embarquer pour le Maroc.
Rabat. Marrakech. Ouarzazate. Le Sahara. Un périple parfois chaotique - avec des avancées et des reculées - raconté avec arrêts sur image. Sur des scènes glanées çà et là, et des rencontres magiques comme il n'en arrive que lorsqu'on bourlingue seul. Une traversée tant géographique qu'intérieure (une quête de soi). De la ville marocaine la plus européenne (la moins étrangère) à l'immensité du désert. De la mort à la vie. Un voyage qui bascule quand Hassan II meurt et que Mohamed VI monte sur le trône, symboliquement à la (presque) moitié du roman. Quand le Maroc retrouve l'espoir. Et Pedro d'en récolter plus de force, de détermination pour aller dans le Sahara où il s'éprendra d'un homme beau comme un prince du désert et vivra un amour digne des plus enrichissants voyages. Qui se nourrissent de la durée. Quatre années, Pedro attendra le premier baiser de Zakaria. Quatre années pour un amour contre-nature célébré par la nature elle-même. La formule est de Patrick Lowie, elle est belle (comme le sont beaucoup de ses phrases courtes, de la même famille que celles d'Yves Navarre et de Marguerite Duras), d'autant plus belles qu'elle vient conclure tout un travail romanesque autour de la légende des amandiers que Pedro à dû oublier afin de la vivre, lui. Cette légende, née dans le Sud du Portugal "raconte qu'un roi maure avait ordonné la plantation de milliers d'amandiers pour une princesse des pays du Nord dont il était tombé follement amoureux. Mais la princesse se languissait des collines enneigées de son pays. Un matin de février, il l'emmena à la fenêtre pour lui montrer le tapis blanc comme neige qui recouvrait la terre - les merveilleux pétales des fleurs d'amandiers. Ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants..." Pedro et Zakaria n'auront pas beaucoup d'enfants, mais un seul, trouvé après un carnage effrayant dans un village d'Algérie. Car La légende des amandiers en fleur est aussi un roman avec une vision politique du monde. Contre les sociétés où sévit la violence. La consommation. Contre l'impérialisme américain. Un roman qui nous laisse l'espoir d'une place pour chacun d'entre nous. A condition d'entreprendre le voyage qui mène jusqu'à elle.