Là où le soleil disparaît - Autobiographie
de Corneille

critiqué par Le rat des champs, le 13 janvier 2017
( - 73 ans)


La note:  étoiles
Un choc
Qu'un chanteur de 39 ans, issu de la téléréalité écrive son autobiographie pourrait en faire sourire certains, mais dès le début de la lecture, l'amusement éventuel fait place à un profond respect. D'abord devant la dureté du témoignage sur le génocide rwandais, ensuite devant son humour et son style littéraire éblouissant, et enfin devant l’extraordinaire résilience de l'auteur.
Cornélius, le fils d'Emile et Pascasie Nyungura, avait tout pour être heureux, une famille aimante et soudée, une vie confortable et tout jeune il était déjà passionné par la musique. Hélas, en avril 1994, cet adolescent a vu ce bonheur paisible réduit en miettes de la façon la plus horrible qui soit, puisque caché derrière un canapé, il a assisté au massacre de toute sa famille. Le corps en pilotage automatique, traumatisé par cette nuit d'horreur, le jeune adolescent s'est enfui, et a pu quasi miraculeusement sauver sa vie.
Aujourd'hui, marié à la très belle Sofia et père de famille, il témoigne de son histoire, et ce témoignage, bien que de toute évidence honnête et de grande valeur, ne lui vaut pas que des amis.
Parfois traité de négationniste ou de révisionniste, parce que son histoire, son devoir de mémoire, s'oppose à l'histoire officielle, qui comme chacun le sait est écrite par les vainqueurs avec le sang des vaincus, Corneille garde la tête haute, avec élégance. C'est son vécu, sa famille, ses morts, et on ne voit pas très bien au nom de quoi quelqu'un, quel qu'il soit, aurait le droit de l'empêcher de dire que ceux qui ont tué sa famille, d'origine à la fois hutue et tutsie, comme de nombreuses autres au Rwanda, que ces assassins, donc, étaient des Tutsis, des membres du FPR, alors que la vérité officielle est que le génocide rwandais était un massacre des Tutsis par les Hutus.
Au début de la recension de ce livre, j'ai parlé de l'étonnante résilience de l'auteur, de cette capacité extraordinaire de reconstruire sa vie malgré des épreuves qui en ont détruit beaucoup d'autres. La raison de cette force présente en lui lui a été donnée par l'éminent psychiatre Boris Cyrulnik, au cours d'une émission de télévision. Il est ainsi, tout simplement parce qu'avant ces événements destructeurs, il a été aimé. Il a eu dans son immense malheur la chance de venir d'une famille où l'amour total, inconditionnel était une réalité quotidienne. C'est sa force, sa richesse et son héritage.