Les bactéries, leur monde et nous - Vers une biologie intégrative et dynamique
de Janine Guespin-Michel

critiqué par Colen8, le 5 décembre 2016
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Un autre regard sur ce monde complexe qui produit la vie
Loin de faire l’unanimité des chercheurs en microbiologie un autre questionnement s’impose à quelques uns d’entre eux soucieux de dépasser le réductionnisme de la biologie moléculaire. Conscients d’interactions dynamiques complexes y compris pour des organismes aussi élémentaires que les bactéries, ces derniers ont choisi la voie de l’interdisciplinarité pour étudier les actions et feedback réciproques des bactéries à plus ou moins longue portée : des échanges symbiotiques avec l’environnement immédiat aux transferts d’éléments génomiques entre souches ou populations d’un même milieu, jusqu’à l’action systémique des phénomènes non linéaires en cascade à l’échelle de la biosphère. Il y a plus de 2 milliards d’années les cyanobactéries ont permis la formation, avec la concentration adéquate faute de quoi il aurait été toxique, de l’oxygène de l’air d’où a émergé une extraordinaire biodiversité. Ce sont d’autres bactéries qui agissent sur la fertilité des sols, sur la fixation de l’azote intervenant dans la croissance végétale, sur le recyclage de la matière pour la dépollution des eaux usées.
Retraitée au terme d’une carrière consacrée à la recherche et à l’enseignement, sans renier aucunement une approche extrêmement féconde de la microbiologie depuis les années 50, cette normalienne de formation en appelle à franchir les frontières disciplinaires et à ouvrir bien davantage les sciences du vivant aux compétences qui lui sont nécessaires : les mathématiques (chaos, systèmes dynamiques non linéaires, logique généralisée), la physico-chimie, l’informatique (statistiques, big data, intelligence artificielle) sans se priver non plus de la réflexion philosophique sur ce monde infiniment mystérieux qui a produit la vie et permis son évolution.
Parmi les pistes à explorer sous un nouvel angle figure le rôle de la membrane bactérienne. Plus qu’une simple enveloppe limitant l’intérieur et l’extérieur, c’est un système par lequel la bactérie devient autonome et s'adapte quand elle est soumise à un stress. Entre autres questions, on a besoin de creuser les mécanismes d’activation/régulation dynamiques des protéines, les acquisitions de résistances, les utilisations des phages comme moyen paradoxal de survie. Malgré une technicité destinée à le rendre plus crédible, cet opuscule publié il y a quelques années est destiné à nous sensibiliser à des enjeux qui nous concernent tous, ainsi qu’à encourager une recherche fondamentale dont les retombées économiques ne sont pas mesurables.