Les Hortenses
de Felisberto Hernández

critiqué par Sentinelle, le 25 novembre 2016
(Bruxelles - 54 ans)


La note:  étoiles
La folie ordinaire
Felisberto Hernández fut pendant de nombreuses années un pianiste qui gagnait sa vie en jouant notamment dans les salles de cinéma muet. Ses difficultés matérielles et sa carrière de pianiste trouvent un écho persistant dans ses récits, tant nous retrouvons à plusieurs reprises ce personnage de pianiste (toujours écrit à la première personne) en difficultés financières et devant accepter des petits boulots pour subvenir à ses besoins. Un homme ordinaire qui loge comme petit employé au domicile d’une femme, souvent veuve ou séparée, accédant volontairement ou pas aux secrets les plus étranges de son intimité. Ce qui frappe à la lecture de ces nouvelles est l’extrême solitude des personnages, qui se retrouvent comme enfermés dans leur monde, totalement gouvernés par leurs obsessions et leurs pulsions, au point de les tenir éloigner ou de les séparer des autres. Des histoires insolites et déroutantes qui peuvent sembler faciles à lire au premier abord mais qui pourtant se révèlent assez complexes au fur et à mesure que nous avançons dans le récit, tant elles résistent étonnamment à toute interprétation et à toute logique. Felisberto Hernández met finalement en scène ce que j’appellerai la folie ordinaire (quel oxymore), folie se déployant volontiers dans la vie quotidienne mais qui comporte suffisamment d’étrangetés et de bizarreries pour que le lecteur se transforme en réceptacle de ces dérèglements de l'esprit, sans jamais avoir aucune prise dessus mais suscitant au contraire un sentiment diffus de malaise. Et je crois que c’est ce qui fait réellement l’originalité et la singularité de cet écrivain.