Écrit en 2016, deux ans après son fameux ouvrage qui a forgé le concept de France périphérique, Christophe Guilluy enfonce le clou avec cet essai, Le crépuscule de la France d’en haut. Le ton cette fois se veut plus incisif. Alors que La France périphérique était un constat plutôt neutre, ici, Guilluy n’hésite pas à dénoncer les responsable du déliement social du pays et prédit, à terme, la fin de la domination de la classe des élites mondialisées. Car le clivage opérant dans l’Hexagone, déjà énoncé dans l’œuvre de ce géographe venu de la gauche, n’est plus idéologique (gauche-droite) mais avant tout social- Les crises économiques et l’accélération des logiques associées à la mondialisation comme les délocalisations de l’outil de production font qu’il n’existe plus de classe moyenne représentant les gros bataillons de la population du pays.
De fait, une portion congrue de la société accède à ce statut d’élite tandis que la très grande majorité des habitants subit un déclassement avec toutes les frustrations qui l’accompagnent. On ne peut que souscrire à cette analyse de Guilluy qui développe avec clarté et grâce aux outils qui sont ceux de sa spécialité une théorie qui a néanmoins du mal à se réaliser, les élections présidentielles de 2022 étant là pour démontrer combien le poids démographique des 15 métropoles intégrées dans la mondialisation pèse sur le résultat des consultations nationales : la lecture des cartes électorales est ainsi très frappante : les campagnes françaises, la France périphérique, est acquise aux forces populistes tandis que les métropoles (la France utile) tourne ses espoirs vers les forces de « gouvernement » (qu’on ne s’y trompe pas : la recomposition du paysage politique national est une mise au clair : le centre qui va de la social-démocratie à la bourgeoisie conservatrice est désormais en ordre de bataille). Un phénomène apparu ces dernières années et qui n’est pas souligné dans le live de Guilluy est le renforcement des revendications identitaires qui s’incarne dans le fourre-tout d’extrême-gauche incarné par les Insoumis et la frange la moins écologiste des Verts.
Un ouvrage passionnant qui permet si on accompagne cette lecture d’analyses plus poussées comme celle de Jérôme Fourquet de comprendre avec acuité l’état du pays et vers quoi il se dirige. Et ce n’est pas très reluisant.
Vince92 - Zürich - 47 ans - 20 mai 2022 |