L'Anniversaire
de Harold Pinter

critiqué par Septularisen, le 4 août 2016
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
L’ABSURDE DANS LA VIE DE TOUS LES JOURS
Au début de cette pièce nous sommes dans la petite pension de famille de M. et Mme. Boles. Peter et Meg sont un couple d’une soixantaine d’années qui vivent dans la nostalgie de leurs années passées.

Pater travaille sur la plage, où il loue des transats, Meg, elle, s’occupe de la pension de famille et fait la cuisine et les courses. Bien qu’elle « perde un peu la tête » elle voudrait encore séduire comme au temps de sa jeunesse passée. La pension ne compte qu’un seul occupant, Stanley Weber, un jeune homme d’une quarantaine d’années, qui vit là depuis plus d’un an et qui auparavant exerçait le métier de chanteur d’opéra.

Un soir Peter rentre de son travail et annonce à sa femme qu’il a rencontré deux messieurs à la plage et que ceux-ci, à la recherche d’un logement, se sont renseignés sur les disponibilités de la pension et qu’ils viendront le lendemain pour occuper une chambre. Et effectivement le lendemain deux mystérieux personnages, aux dehors débonnaires, se présentent à la pension. Il y a là Nat Goldberg, riche homme d’affaires d’une cinquantaine d’années et Seamus MCCann son assistant et chauffeur d’une trentaine d’années.

Tout de suite ils s’intéressent beaucoup à Stanley, sur qui ils posent de nombreuses questions, et qu’ils semblent connaître…

On retrouve donc ici le thème de l’intrusion impromptue de l’étrange, ou devrait-on dire de l’étranger dans la vie de tous les jours. L’absurde de Samuel BECKETT n’est pas loin, et « transpire » à toutes les pages. Harold PINTER le met ici en scène et au service de la liberté individuelle. A la fin de la pièce on ne sait pas vraiment ce qui s’est passé, ce qui va se passer (même si on le devine…), cela serait bien sûr trop facile, et l’auteur veut que le lecteur fasse ce chemin tout seul, qu’il se donne du mal pour comprendre et évoluer dans la pièce. Lors de sa création à Londres en 1958 (de même qu’à Paris, une dizaine d’années plus tard…), cette pièce est apparue obscure aux critiques comme au public, mais à la lumière du monde où nous vivons aujourd’hui, son contenu ne peut que nous interpeller encore plus…

Avec «L'anniversaire», Harold PINTER a créé le modèle de ce qu'on a appelle aujourd’hui le théâtre de la menace. On y voit confrontés deux univers complétement opposés : d'une part, des personnages banals, qui vivent tant bien que mal dans une sorte de cocon, qui leur sert de refuge contre le monde extérieur (ici M. et Mme. Boles) ; et d'autre part, des inconnus (Ici M. Nat Goldberg et M. Seamus MCCann, qui font irruption dans ce sanctuaire pour s'emparer d'une victime terrorisée et, étrangement, presque consentante (ici M. Stanley Weber). Et pourtant, ce qui pourrait n’être un drame macabre, baigne ici dans un humour corrosif de tous les instants, fait de jeux de mots, de décalages absurdes entre le comique et le tragique, de temps morts presque irréels, de phrases à double, voire parfois triple sens…

Une très bonne introduction à l’œuvre de M. Harold PINTER en tous les cas…

Rappelons que M. Harold PINTER a été le lauréat du Prix Nobel de Littérature en 2005.