Les Mystères de Larispem: Le sang jamais n'oublie
de Lucie Pierrat-Pajot, Donatien Mary (Dessin)

critiqué par Cyclo, le 19 juillet 2016
(Bordeaux - 78 ans)


La note:  étoiles
Les Mystères de Paris revisités
Nous sommes en 1899. La Commune de Paris a triomphé et Paris s'est séparé de la France, devenant une cité-état indépendante appelée Larispem (= Paris, dans l'argot des bouchers). Une femme préside, et l'égalité de tous est assurée. Les aristocrates et les religieux ont été éliminés. Les louchébems (bouchers en argot) font partie de l’élite, les ingénieurs aussi et réalisent les inventions de Jules Verne qui vit à Montmartre dans la Tour Verne. Cependant, une société secrète, les Frères du sang, a été formée par les derniers descendants des aristocrates déchus et souhaite renverser la nouvelle république (dont on sait peu de choses pour l'instant).
On est donc en quelque sorte dans une uchronie, une des branches de la SF. Dans ce nouveau monde, on suit les aventures de deux amies, Carmine Noir, apprentie louchébème, et Liberté Chardon, apprentie mécanicienne. Elles vivent assez difficilement et commettent quelques larcins pour se procurer un peu plus d'argent, notamment en visitant les vieilles demeures nobles inhabitées et en revendant à un receleur les rares objets de valeur qu'elles arrivent à découvrir. C'est ainsi qu'un jour elles mettent la main sur un livre crypté que Liberté garde précieusement et qui semble très recherché par les Frères du sang. En parallèle, on suit les aventures de Nathanaël, qui vit à l'orphelinat, dont il doit sortir pour ses quinze ans pour la foire aux emplois. Nathanaël découvre qu'il possède d'étranges pouvoirs, et bientôt il tombe entre les mains des Frères de sang qui veulent se servir de lui et de quelques enfants pour renverser le régime honni.
Ce roman a gagné le prix du roman jeunesse que Gallimard récompense.
C'est un hommage aux romans-feuilletons du XIXème siècle (Eugène Sue et ses "Mystères de Paris") aussi bien qu'à Jules Verne. Il se lit comme un feuilleton : on visite des bouges clandestins, on assiste à des réunions secrètes, il y a même de la sorcellerie dans l'air. Le lecteur est captivé, suivant tour à tour les intrigues parallèles avant qu'elle ne se croisent dans un ou plusieurs volumes futurs. Les personnages sont bien campés, Liberté, la provinciale qui découvre Larispem, Carmine la fille forte (qui ne sort jamais sans ses trois couteaux) et son frère Cinabre, le boucher dandy et joueur, Nathanaël et ses camarades orphelins, parmi lesquels Jérôme, l'ami fidèle et Gueule-de-Passoire, l'ado boutonneux et vindicatif, Alcide Valentine, le professeur de chimie pervers, jusqu'à la présidente flanquée de son chef des gardes et même Jules Verne qui fait un discours pour annoncer son projet pour l'an 1900 : un jeu de l'oie géant à travers les arrondissements de Larispem, sur le modèle de celui qu'il a imaginé dans son roman "Le Testament d'un excentrique".
Tout est en place pour un complot : sera-t-il déjoué ? Nathanaël va-t-il rencontrer Liberté et Carmine. L'avenir nous le dira !
Une jolie réussite, qui séduira peut-être davantage les adultes amateurs de romans du XIXème que les ados d'aujourd'hui, mais je ne demande qu'à me tromper. Notons que des allusions actuelles traînent ici et là, bien que le roman se passe à la charnière des XIXème et XXème siècles : ainsi "Le terroriste est un spécialiste de la mort. Tuer, il connaît ; il fait ça très bien. Certains sont même devenus de tels experts dans l'art de tuer qu'ils en profitent pour se supprimer eux-mêmes. Cela n'a rien de compliqué, rien d'héroïque. Songez à quel point il est plus facile de détruire que de construire, plus simple de se débarrasser d'autrui que d'apprendre à vivre avec".