Le château de l'âme, ou, Le livre des demeures
de Thérèse d'Avila

critiqué par Saule, le 10 mars 2004
(Bruxelles - 58 ans)


La note:  étoiles
L'aventure mystique
A notre époque ou le catholicisme est devenu ringard, les gens en quête de spirituel se tournent plus facilement vers la méditation, le yoga, le zen ou autres techniques que vers la prière chrétienne, d’autant plus qu’ils ont parfois une idée très fausse de la prière, qui consisterait à adresser des suppliques à un Dieu tout puissant. Avec Thérèse d’Avila on est très loin de ce lieu commun.

Pour entraîner ses soeurs Carmélites sur le chemin de l'oraison, qui est dit-elle la porte d'accès à Dieu, Thérèse d'Avila avait écrit en 1577 cet ouvrage qui est devenu un grand classique de la littérature mystique.

Pour nous introduire à l’aventure mystique, Thérèse d’Avila utilise la métaphore du château : notre âme est comparée à un château constitué de plusieurs demeures (voir citation à la fin de ma critique). Dans la demeure du milieu réside Dieu, qui y prend ses délices. Par l'oraison l'âme peut «rentrer en elle-même» et accéder librement à toutes ces demeures (sauf à la dernière car l'accès à celle-ci ne dépend pas de notre propre volonté, mais du bon vouloir de Dieu).

Les premières demeures sont celles de la connaissance de soi, c'est pourquoi, bien que l’âme soit libre de circuler dans les demeures à son gré, Sainte Thérèse nous encourage à commencer par ces premières demeures. Au fur et à mesure que l'âme progresse vers les demeures intérieures, les grâces spirituelles deviennent plus grandes mais parfois au prix d'une douleur assez grande ainsi que de périodes de purifications de l'âme très dures. Pour reprendre l'imagerie de Sainte Thérèse, des serpents et autres animaux malfaisants qui rodent dans l'enceinte du château peuvent s'introduire avec l'âme dans les premières demeures et il nous faudra les combattre (combats spirituels). Notons aussi que certaines personnes se contentent de rester toute leur vie dans l'enceinte du château, en d'autres mots elles ne sont même pas conscientes du fait d'avoir une âme ni de la présence divine dans leur âme.

Assez vite on arrive dans la quatrième demeure, qui est celle de l'oraison de quiétude et de recueillement. Dans la cinquième demeure a déjà lieu l'union avec Dieu, l'âme y goûte des délices spirituels très grand. Dans la sixième a lieu les fiançailles mystiques. Mais seul Dieu peut nous faire entrer dans la dernière demeure, la septième, dans laquelle Il réside seul : là a lieu l'union mystique entre l'âme et Dieu, le mariage spirituel. Cette demeure n'est pas accessible au commun des mortels mais est l’apanage des grands mystiques.

Outre l'oraison, les recettes pour progresser sur le chemin de la vie intérieure et spirituelle sont le détachement et l'humilité.

Tout le livre est éclairé par l'expérience des grâces que Sainte-Thérèse a reçues : on sait en effet qu'elle a vécu une union mystique avec Dieu et cela illumine son oeuvre. Ainsi souvent elle prend des passages des textes auxquels son expérience donne un sens particulier : par exemple, elle illustre le détachement nécessaire par la parabole du jeune homme riche auquel Jésus conseille de vendre tout ses biens. Elle cite bien sur aussi le Cantique des cantiques qui illustre les fiançailles et le mariage de l'âme avec le Divin époux.

Outre son charisme, Thérèse d’Avila écrivait également très bien et avait l’art d’exprimer de manière simple et poétique ce qui, surtout pour nous simples croyants, est indicible. Le langage est parfois un peut désuet mais cela en augment le charme. Ce livre s’adresse aux croyants qui désirent progresser dans leur vie spirituelle et avancer sur le chemin de l’oraison, chemin qui, pour la Sainte, est le plus court vers Dieu.

Voila le début du premier chapitre, dans lequel elle introduit sa métaphore du château.

"J'ai considéré notre âme comme un château, fait d'un seul diamant, ou d'un cristal très pur, dans lequel il y a, de même que dans le ciel, diverses demeures. Et en effet, mes sœurs, l'âme du juste, si l'on y veut bien réfléchir, n'est point autre chose qu'un paradis, où Dieu, comme il le dit lui-même, prend ses délices. S'il en est ainsi, que dire, et quelle idée doit-on se former de la demeure où un Monarque si puissant, si sage, si pur, si magnifique, se plaît à habiter ! Pour moi, je ne trouve rien à quoi l'on puisse comparer la ravissante beauté et la capacité prodigieuse d'une âme. Non, quelque vive que soit la pénétration de nos esprits, ils ne peuvent parvenir à s'en former une idée parfaite. Et faut-il s'en étonner, lorsque ce grand Dieu, que nos entendements sont si loin de comprendre, déclare lui-même qu'il nous a créés à son image et à sa ressemblance ?"