L'art d'avoir toujours raison
de Arthur Schopenhauer

critiqué par Gldoepcc@voila.fr, le 5 mars 2004
( - 73 ans)


La note:  étoiles
Evitez de vous faire coincer !
Simple technique de controverse ou méthode rigoureuse de recherche de la vérité ? Au moment où Hegel achève de construire l'un des plus beaux systèmes philosophiques, tout entier dédié à l'étude de la dialectique en tant que structure de la pensée et de la réalité, Schopenhauer, dans ses cours (non publiés) de l'université de Berlin, ramène cette dernière à peu de choses : trente-huit stratagèmes pour terrasser tout contradicteur, que l'on ait raison ou tort. Pure "escrime intellectuelle", "organe" de la perversité naturelle de l'homme, outil de la déloyauté dans la dispute… On a pu reprocher à Schopenhauer ses lectures par trop réductrices d'Aristote, ou de Kant. Le très intelligent essai de Franco Volpi, qui suit le texte du philosophe allemand (pour ne pas lui donner tort ?), nous décrit avec une efficacité rare les raisons de ces reproches. Mais par-delà le débat philosophique sur le statut de la logique dans la recherche de la vérité, par-delà les querelles des différentes écoles (Aristote/Platon, Kant/Hegel…), qui nous sont résumées ici avec précision, Volpi nous invite à d'autres conclusions. Aux trente-huit stratagèmes succède un Supplément aux premières pages, immédiatement suivi d'un Second supplément, que pressent des Notes sur les premières pages, puis des Notes sur les pages 11 et 12, un nouveau Supplément à la page 11, et enfin une Note sur la page 70… Où chercher la raison de cette impossibilité à conclure ? L'art d'avoir toujours raison manquerait-il donc d'assurance ? Par-delà l'inscription de la raison dans ses formes savantes, de quoi Schopenhauer veut-il tant nous rendre les témoins ? De la condition de l'homme moderne, tout simplement. La possibilité qui nous est offerte d'avoir toujours raison est tout de même moins celle de pouvoir parler pour ne rien dire, que celle d'entraîner la parole à masquer la pensée. Non pas la philosophie, mais le versant de l'aveu. Localiser le site de l'existence humaine. Qu'il y ait toujours à dire et si peu, et que ce dire soit toujours en excédent ou en reste de ce qu'il vise, "…ça qu'est bien avec les mots", comme l'écrira bien plus tard Beckett.
Pourquoi vouloir avoir raison ? 1 étoiles

Je suis très limité en philosophie. Au regard de toutes les critiques élogieuses concernant ce livre j'ai décidé de le lire.
Evidemment le monsieur possède une solide culture philosophique, a la reconnaissance de ses pairs pour son travail, et donc !
Même si l'ouvrage est très court, qu'il se lit assez facilement sans avoir de grandes connaissances en la matière, je trouve son intérêt assez limité.
Certaines critiques sur le géant américain de vente de livres font mention du livre qu'il faut lire absolument, que des personnes y ont trouvé des ressources pour leur vie de commercial, de débatteur. Effectivement, il y a quelques combines que nous connaissons tous pour contredire une personne avec qui nous ne sommes pas d'accord.
On peut constater que les politiques, les médias, les publicitaires, les vendeurs usent de ces stratagèmes pour convaincre ou avoir raison.
Qu'il faut parfois être fallacieux pour avoir raison, savoir mentir, insulter parfois, prendre pour un idiot son interlocuteur, abuser de l'assemblée, etc.
C'est un mode de vie qui ne m'intéresse pas et je n'ai pas envie de plonger dans ce mode de pensée tordue. Et je dirais avec un peu d'humour que personnellement je ne parle pas avec les gens qui ne sont pas d'accord avec moi, cela ne m'intéresse pas de les convaincre, et je ne veux pas avoir toujours raison. Dire que j'ai perdu mon temps serait inexact car il se lit vite, dire que j'ai appris quelque chose encore moins. Bref, c'est, selon moi, largement dispensable et encore une fois je n'ai pas assez de culture philosophique, pour ne pas dire aucune, pour avancer que mon jugement est le bon. J'ai trouvé ce livre malsain dans son contenu, ce n'est pas ma ligne de vie.

Maranatha - - 52 ans - 4 mai 2019


avoir toujours raison 7 étoiles

Sans surprise : assez compliqué mais très complet.
L'analyse est assez impressionnante.

Franckyz - - 45 ans - 23 octobre 2007


L'art de l'emporter dans la controverse - une lecture indispensable! 8 étoiles

Il peut arriver que les mots "Philosophie", "Grand Philosophe", les noms de Platon, Nietzsche ou Schopenhauer, inspirent un sentiment de crainte au lecteur profane. Je suis bien trop néophyte en la matière pour juger si cette crainte est justifiée, mais ce serait vraiment dommage qu'elle vous décourage de lire ce petit livre, parfaitement abordable et traitant d'un problème très concret et d'une grande importance pratique, un problème auquel nous nous trouvons tous confrontés plusieurs fois par jour: celui de faire entendre, et si possible, d'imposer notre point de vue au cours d'une discussion.

Pour écrire ce traité de "dialectique éristique", Schopenhauer s'est inspiré de ses lectures des auteurs de l'Antiquité, principalement des traités de dialectique d'Aristote dont il nous livre un commentaire critique, en guise d'introduction et d'appendices. Schopenhauer reproche essentiellement à Aristote de ne pas distinguer clairement la logique, qui a pour vocation la recherche de la vérité, et la dialectique, dont le but est d'imposer une opinion comme vraie, qu'elle soit objectivement vraie ou non. Selon les propres termes de Schopenhauer: "Nous devons donc définir [la dialectique aristotélicienne] comme l'art d'avoir toujours raison dans la controverse. Pour cela, le meilleur moyen est bien sûr en premier lieu d'avoir vraiment raison, mais vu la mentalité des hommes, cela n'est pas suffisant en soi, et vu la faiblesse de leur entendement ce n'est pas absolument nécessaire. Il faut donc y adjoindre d'autres stratagèmes qui, du fait même qu'ils sont indépendants de la vérité objective, peuvent aussi être utilisés quand on a objectivement tort." Partant de là, l'intérêt de maîtriser la dialectique est double: 1) l'art de convaincre, fut-ce en toute mauvaise foi, et 2) je cite à nouveau les mots de Schopenhauer, et comme il n'est malheureusement pas possible de recourir à des caractères italiques, gras ou soulignés dans le corps des critiques, je dois ici vous demander de faire un effort d'imagination et de vous représenter les mots suivants en italique-gras-souligné (tout l'arsenal) - "la dialectique en tant que telle a (...) pour devoir d'enseigner comment on peut se défendre contre les attaques de toute nature, en particulier contre les attaques malhonnêtes" (fin de l'italique-gras-souligné). Comme annoncé, il s'agit donc bien là d'un problème d'une grande importance pratique, que Schopenhauer approche sous un angle très concret, en nous proposant une liste de "stratagèmes" et de leurs "contre-mesures".

En voici donc quelques exemples:

* Stratagème 7: "Poser beaucoup de questions à la fois et élargir le contexte pour cacher ce que l'on veut véritablement faire admettre. En revanche, exposer rapidement son argumentation à partir des concessions obtenues, car ceux qui sont lents à comprendre ne peuvent suivre exactement la démonstration et n'en peuvent voir les défauts ou les lacunes éventuelles".

* Stratagème 30 (argument "d'autorité", ou encore "portant sur l'honneur"): "Au lieu de faire appel à des raisons, il faut se servir d'autorités reconnues en la matière selon le degré des connaissances de l'adversaire. 'Chacun préfère croire plutôt que de juger', a dit Sénèque: on a donc beau jeu si l'on a de son côté une autorité respectée par l'adversaire. Cependant, il y aura d'autant plus d'autorités valables que ses connaissances et ses aptitudes sont limitées. Si celles-ci sont de tout premier ordre, il ne reconnaîtra que peu d'autorités ou même aucune. À la rigueur il fera confiance aux gens spécialisés dans une science, un art ou un métier qu'il connaît peu ou pas du tout, et encore ne le fera-t-il qu'avec méfiance. (...) Ce sont les autorités auxquelles l'adversaire ne comprend pas un traître mot qui font généralement le plus d'effet."

* Ultime stratagème (dont vous apprécierez la pertinence): "Si l'on s'aperçoit que l'adversaire est supérieur et que l'on ne va pas gagner, il faut tenir des propos désobligeants, blessants et grossiers. (...) On devient donc vexant, méchant, blessant, grossier. C'est un appel des facultés de l'esprit à celles du corps ou à l'animalité. Cette règle est très appréciée car chacun est capable de l'appliquer, et elle est donc souvent utilisée. La question est de savoir quelle parade peut être utilisée par l'adversaire. Car s'il procède de la même façon, on débouche sur une bagarre, un duel ou un procès en diffamation."

Quelle parade, alors, peut-on opposer à cet ultime stratagème? Et bien, je vous laisse le découvrir en lisant ce petit traité de dialectique. Si le style de Schopenhauer est quelque peu aride, ce livre n'est reste pas moins tout à fait accessible, voire amusant. Et par les temps qui courent, où nul n'est à l'abri d'attaques malhonnêtes - y compris sur la toile de l'internet -, c'est même une lecture indispensable!

Fee carabine - - 50 ans - 2 décembre 2005