Djibouti
de Pierre Deram

critiqué par Fanou03, le 6 avril 2016
(* - 48 ans)


La note:  étoiles
Une saison en enfer
Un lyrisme brutal, à la fois cru et mélancolique : c’est le style, plutôt viril, de Pierre Deram, jeune auteur prometteur de vingt-neuf ans, qui nous livre, avec son premier roman Djibouti, une œuvre absolument marquante. Djibouti: le nom à lui seul est synonyme d’aventure et d’exotisme. C’est sans doute ce que Markus, le protagoniste principal, jeune sous-officier, est venu chercher sur ce territoire désertique en s’engageant pour une mission de six mois au sein de la base militaire française implantée dans la ville-état. Le récit débute au moment où Markus fait justement ses adieux à ses camarades, au cours d’une nuit où le jeune homme se remémorera les souvenirs liés à son passage dans cette ville.

Le roman est court, mais la prose fulgurante, parfois dérangeante, compense, voire condense cette brièveté; le sens de la composition de Pierre Deram quant à elle est à saluer, comme ce long passage essentiel du livre décrivant le combat rituel de deux soldats dans le bar louche où a lieu la soirée d’adieu de Markus. L’auteur montre, malgré certains excès de son écriture ou la présence de quelques maladresses, que l’on lui pardonne bien volontiers, une impressionnante maturité.

Ce qui reste de Djibouti est surtout une ambiance, âpre, implacable, fixée sur le papier, comme on épingle sans état d’âme les ailes d’un papillon, par les mots tranchants de Pierre Deram. Les nuits fauves de Djibouti, traversées par les libations des marins perdus et des militaires désœuvrés, ainsi que par les amours glauques des prostituées de la ville, ne forment qu’une pauvre échappatoire aux journées surchauffées par un soleil intenable qui annihile tout sur son passage. Dans ce décor romanesque, infernal au sens premier du terme, et en partie exacerbée par les fantasmes de son auteur, Djibouti pose la question du sens de l’existence, de la faillite de notre monde, en ce lieu stérile que l’espoir semble avoir quitté à jamais.