L'Homme Montagne
de Séverine Gauthier (Scénario), Amélie Fléchais (Dessin)

critiqué par Blue Boy, le 14 mars 2016
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Chercher le vent pour soulever les montagnes
Grand-père ne peut plus voyager. Les montagnes qui ont poussé sur son dos sont devenues trop lourdes. Pour lui permettre de faire son dernier voyage, l’enfant va parcourir monts et vaux pour aller chercher le vent, un vent si puissant qu’il peut soulever des montagnes…

Si ce conte magnifique s’adresse d’abord aux enfants, il pourra aisément toucher les plus grands grâce à la poésie qui le traverse. Dans le cas présent, on peut même parler de souffle poétique, ne serait-ce que parce qu’il parle de ce vent capable de « soulever les montagnes »… Au cours de sa quête, l’enfant croisera un arbre, des cailloux et un bouquetin, transformés ici en créatures fantastiques, avant de rencontrer le vent en personne. Et c’est en cela que réside en grande partie l’originalité de l’ouvrage. Les choses ne sont pas représentées telles qu’on s’y attend : par exemple, l’arbre apparaît comme une grosse guirlande légère et cotonneuse, et le vent comme un oiseau géant et translucide dont le souffle est symbolisé par des nuées d’ailes, le tout sous le pinceau talentueux d’Amélie Fléchais qui a réalisé des planches superbes et enchanteuses.

Autre argument en faveur du récit de Séverine Gauthier, « l’Homme montagne » ne prend pas les enfants pour des crétins, abordant des thèmes adultes tels que les racines et la transmission. Envisagée ici en tant que multi-métaphore, la montagne, dont le sommet constitue à la fois la demeure olympienne d’un dieu-vent et l’objectif ultime du voyage initiatique de l’enfant, est aussi le stigmate de l’expérience humaine, avec ses monts et ses vallées telles les rides d’un paysage buriné et érodé par les éléments, et au final la mémoire des aïeuls fondant l’identité de tout Homme. On l’aura compris, une bande dessinée jeunesse « hautement » recommandée.