Sanditon, un roman achevé par une autre dame
de Jane Austen

critiqué par Folfaerie, le 10 février 2004
( - 55 ans)


La note:  étoiles
Une suite plutôt réussie
Jane Austen est morte avant d'avoir pu achever ce roman, qui a été donc repris tel quel dans l'édition complète Omnibus, Sandinton s'achevant au chapitre 12.
Mais voilà, les éditeurs demandèrent à une romancière anglaise de poursuivre la tâche entreprise par Jane Austen. Cette romancière a préféré garder l'anonymat, et c'est donc la version terminée que l'on trouve dans cette édition de poche.

Il est certain que le roman tranche un peu sur le reste de l'oeuvre, mais il se rapproche néanmoins d'Orgueil et Préjugés sur plusieurs points.

L'histoire est relativement mince, une jeune fille sensée, Miss Charlotte Heywood, qui n'est pas sans rappeler Elisabeth Bennett, vient passer l'été dans une station balnéaire, que ses hôtes, la famille Parker, aimerait mettre à la mode. Elle assistera par la même occasion aux manigances des uns et des autres destinées à favoriser une histoire d'amour contrarié.
Les Parker sont assez originaux. M. Parker a 2 frères et 2 soeurs, perpétuellement occupés à se mêler de la vie d'autrui, et tous sincèrement persuadés que leur santé délicate est une malédiction. En fait d'ennuis de santé, c'est plutôt l'ennui et le désoeuvrement qui sont la cause de ces maux imaginaires. Seul le second frère, Sidney, se démarque de sa famille. Il est beau, spirituel, intelligent et Miss Charlotte Heywood ne tarde pas à tomber amoureuse.
Une galerie de personnages secondaires, fort réjouissants, vient se mêler à la famille Parker. La tyrannique Lady Denham, que l'on pourrait comparer à Lady Catherine de Burgh, les demoiselles Beaufort, bavardes et insipides, toujours en quête de galants, et surtout le séduisant Sir Edward, dont les lectures à l'eau de rose ont enflammé l'esprit, qui ne cesse de citer des vers à tout propos, et n'a d'autre but que d'enlever une demoiselle, idée puisée dans les romans à 4 sous qu'il dévore. Il pourrait s'apparenter sans peine au personnage de M. Collins.

Au niveau de l'écriture et de la narration, certains pourront déceler quelques différences entre Jane Austen et la mystérieuse romancière, de même que le sujet du roman est sans doute le plus léger de toute son oeuvre, mais j'ai pris davantage de plaisir à cette lecture que pour Mansfield Park. Tout simplement parce que c'est très drôle, et que Sandinton n'a pas d'autre but que de divertir.

Je pense que ceux ou celles qui ont aimé Orgueil et Préjugés devraient logiquement apprécier Sandinton.
Charlotte à la plage 10 étoiles

Sanditon, entrepris par la célèbre Jane Austen ("Raison et sentiments", "Orgueil et préjugés") peu de temps avant sa mort en 1817, est resté inachevé jusqu’à sa résurrection en 1975 sous la plume inspirée de Marie Dobbs, qui s’est pour l’occasion modestement (ou coquettement) intitulée "une autre dame". Romantique en diable, l’histoire de Charlotte Heywood, ce cœur à prendre de vingt ans, décolle véritablement lorsque Marie Dobbs se substitue à sa créatrice. Bien qu’aucune rupture de ton ne soit sensible après les fameux onze courts chapitres originaux, dédiés à une présentation des lieux et personnages passablement soporifique, l’intérêt du lecteur est rapidement stimulé par ce remarquable portait de très jeune femme. Perdue au milieu de la famille Parker, qui l’a momentanément accueillie en leur cher Sanditon, une station balnéaire du Sussex qu’ils souhaitent voir un jour mise à la mode, Charlotte va rapidement montrer son véritable caractère et devenir petit à petit la personne sur qui "on peut compter". Pauvre, mais honnête, elle va mettre ses inclinations sous le boisseau, en niant mordicus que l’on puisse lui trouver un attrait quelconque, en cette époque où la grande occupation de la "gentry", juste après "les affaires", était de marier aussi vite que possible les filles et assurer la fortune des garçons. Les "bonnes manières", à la sauce anglaise, interdisant que l’on exprime directement ses sentiments, génèrent une suite de quiproquos et de valses-hésitations qui font tout l’intérêt de l’histoire, au-delà ce portrait d’une époque et de mœurs depuis longtemps disparues. Merci à Marie Dobbs d’avoir entrepris ce travail de reconstruction post mortem, en espérant qu’un jour un éditeur aura le courage de mettre son nom au fronton de l’ouvrage et lui assurer la gloire posthume à laquelle elle a droit.

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 75 ans - 16 mars 2019


Roman inachevé 6 étoiles

Sanditon est le dernier roman de Jane Austen, tellement le dernier qu’il est en fait inachevé. Une version existerait, terminée par une anglaise. En ce qui me concerne, c’est bien de la version inachevée qu’il s’agit, écrit entre janvier 1817 et mi-mars de la même année.
« Un gentleman et une dame, qui venaient de Tonbridge et se dirigeaient vers cette partie de la côte du Sussex qui s’étend entre Hastings et Eastbourne, avaient été amenés pour affaires à quitter la grand-route et à se risquer sur un chemin très difficile ; leur voiture versa tandis qu’elle en gravissait la longue côte, faite moitié de pierres et moitié de sable. L’accident se produisit juste après la seule maison gentleman qui se trouvât près du chemin – une maison que leur cocher, à qui l’on avait tout d’abord enjoint de prendre cette direction, s’était imaginé être nécessairement le but de leur voyage et qu’il avait, bien à contrecoeur, été contraint de dépasser. »
Ce gentleman et sa dame donc vont faire la connaissance de la famille Heywood à l’occasion de cet accident, et soignés par eux, ils emmèneront à titre de remerciements, Charlotte Heywood dans leur petite ville côtière dont ils sont les acharnés promoteurs. Un ancêtre caché des promoteurs de station balnéaire pour le moins ! Il s’agit de M. et Mme Parker, et la petite ville balnéaire, c’est Sanditon.
Nous découvrirons Sanditon et sa faune pittoresque et réduite par les yeux de Charlotte, jeune fille, Dieu merci, pas irrémédiablement cucul !
Petites misères de relations humaines étriquées, de manoeuvres promotionnelles pitoyables, la gamme est assez large. Il faut se souvenir que ceci fut écrit au tout début du XIXème, par une auteuse et que le monde, la connaissance qu’on en avait, n’était pas ce qu’il est maintenant.
On ne s’ennuie pas dans la mesure où les petits évènements et les petites mesquineries sont bien senties par Charlotte. Ca nous évite d’avoir à rentrer dans la peau d’une bécasse !
L’écriture n’est pas légère-légère et la manière d’amener les évolutions de situation est parfois un peu lourde. Mais ça reste plaisant.
Et le fait qu’il soit inachevé me direz-vous ? Ce n’est pas dramatique, on est en fin d’un chapitre mais il est vrai qu’il est impossible d’imaginer vers quelle fin voulait se diriger Jane Austen. Autant le lire inachevé à mon sens pour ne pas trahir l’oeuvre.

Tistou - - 67 ans - 2 décembre 2006