Suicide de l'Occident, suicide de l'humanité ?
de Michel Rocard

critiqué par Colen8, le 1 septembre 2015
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Le monde à la dérive, à moins que …
C’est l’alerte, une de plus, lancée à l’opinion. Tout a été dit, écrit et proclamé depuis le rapport du Club de Rome de 1972. Rien ne s’est fait, ou si peu. Sans vouloir jouer les Cassandre, portant un regard lucide sur notre temps depuis la naissance des civilisations puis l’avènement de la révolution industrielle, cet ancien premier ministre déroule l’ensemble des menaces sur la planète, donc sur l’humanité. Un facteur retient son attention plus que les autres, conduisant à un naufrage du système dans l’océan monstrueux de liquidités monétaires incontrôlables : la faillite absolue de la science économique construite depuis deux siècles sur des outils mathématiques rigoureux, à partir malheureusement d’axiomes archi-faux. A cela s’ajoute la cupidité des banquiers encouragée par les ultra-riches qui ont détourné l’argent de sa fonction première, servir l’économie. La masse monétaire qui atteint trois fois le PIB mondial, concourt à 2% seulement à l’investissement productif, autrement dit à la croissance. Elle alimente donc à 98% la spéculation qui ne tourne plus que sur et pour elle-même. Le jugement est sans appel : l’économie s’est déconsidérée pour avoir laissé croire aux bienfaits du marché sans règles et sans limites, la banque s’est déshonorée en basculant parfois dans la pure criminalité.
Le temps presse, les institutions publiques, Nations Unies, Union Européenne comme gouvernements ayant révélé leur impuissance relative. L’espoir est mince d’en sortir par le haut sauf à faire converger des initiatives dispersées déjà dotées de structures supranationales suffisantes pour entrer en résistance. Enrayer les menaces, cela se fera par la mobilisation des opinions, par des initiatives collectives autant qu’individuelles : des réseaux sociaux, certaines ONG, des syndicats, des autorités religieuses, des économies solidaires, des crédits participatifs, des entreprises multinationales elles-mêmes, des découvertes y compris technologies ainsi que par celles de chacun dans sa sphère. Recadrer la science économique s’avère nécessaire, avec l’aide des sciences dites humaines, la sociologie, la psychologie. Redonner leur place à la pensée, à la philosophie et son sens à l’existence ne coûte rien. Reconnaître qu’il y a d’autres valeurs en dehors de l’argent pour s’épanouir, la création, le partage, le respect. L’Europe forte de sa monnaie, de ses expériences, de ses traditions, de sa culture et de l’ensemble de ses atouts, mais vulnérable comme le reste du monde devant ces crises successives et ces menaces, pourrait se donner un rôle exemplaire à la tête d’un changement de comportement nécessaire à la survie de la planète.
Il serait dommage de passer à côté de ces réflexions documentées, argumentées, qui s’achèvent sur l’énoncé de quelques propositions toutes simples : reconnaître l’interdépendance, qui nous oblige à la responsabilité mutuelle, les biens publics (la santé, la sécurité, l’éducation, la culture, l’accès à l’information) qui sont une propriété collective, le marché qui a besoin de limites, le droit et le contrat comme fondement de la société civile et des relations entre entités collectives, la solidarité à ne pas confondre avec la charité ni l’assistance, la laïcité sans laquelle il ne peut y avoir de liberté.