Une adolescence américaine
de Joyce Maynard

critiqué par AmauryWatremez, le 24 juillet 2015
(Evreux - 55 ans)


La note:  étoiles
Une Holden Caulfied des années 60...
Généralement lorsqu'on lit un auteur de talent, doué pour mettre en branle son « métro émotif », on entend littéralement sa voix en tournant les pages de ses œuvres qu'il raconte ou non une histoire personnelle. En lisant les premières pages de « une adolescence américaine » de Joyce Maynard, acheté pour se désennuyer un jour d'été morne et dépeuplé dans une ville de province, la chose est arrivé de suite. Cela s'appelle le style. Il est bien oublié par la plupart des auteurs français actuels qui se piquent même pour certains de faire de la « non littérature » voire de la « non écriture » en prétendant rédiger de « l'autofiction » moyen comme un autre d'économiser le prix des séances chez un « réducteur de têtes » et de faire de l'argent avec des névroses de pauvre petite-petit fille-garçon riche.



Dans ce livre traduit en français en 2012, Joyce Maynard raconte sa vie d'adolescente dans les années 60, une jeune fille un peu hors normes et mal dans sa peau et se croyant la seule à l'être alors que ce mal-être est sans doute une constante chez la majorité des jeunes ainsi qu'elle l'écrit dans sa préface à cette édition. Sa voix est presque la même que celle de son moi de dix-huit ans, âge auquel elle écrivit cette chronique douce-amère en partie à cause du succès d'un article qu'elle écrivait pour le New York Times après avoir eu le culot sympathique -ou l'inconscience- de demander à pouvoir le faire au rédacteur en chef de ce journal....

...Elle a cependant le recul de l'âge un peu plus mûr en particulier lorsqu'elle se souvient de son aventure avec Salinger après la parution de son article dans ce journal prestigieux sur « sa » génération, Salinger, cette légende des auteurs « adulescents » s'avérant un médiocre se payant une aventure avec une jeunette et la « jetant » quand elle commence à prendre de la place. Il se sépare d'elle quand elle commence à devenir connue...



Ils n'ont pas changé tant que cela depuis les années 60. Ils cachent cela plus ou moins bien derrière des pétarades, des grosses blagues, des histoires de sexe dignes de « Derrière la porte verte » ou « Gorge profonde » dont ils sont les héros ou héroïnes, bien que toujours vierges et naïfs. Cela m'évoque cette jeune fille, très provocante dans son « louque », adoptant constamment un air blasé qui le jour où elle risqua d'être enlevée par un satyre amateur de chairs fraîches redevint quand nous la retrouvâmes une toute petite fille, lui donnant cependant des conseils précieux sur l'Ecriture donc celui d'être et de rester toujours authentique dans ses œuvres et de ne s'interdire aucun thème.



Dans ce livre, elle conserve encore cette pudeur maladroite des jeunes de cette âge, affectant un ton blasé, détaché tout en omettant volontairement de parler de sujets intimes. Elle se souvient des cours d'éducation sexuelle données sur un ton guilleret, illustrés par des dessins animés Disney. Elle décrit les aspirations contradictoires des jeunes femmes de la fin des années 60, tout comme le sont celles de leurs consoeurs de cette décennie.



maynard-9842.jpgLes ados des années 2000 sont sans doute beaucoup plus que leurs parents et grands parents maintenant soumis à une norme des plus stupide, écrasante, et qu'on leur impose partout et maintenant même et surtout sur le net : une norme d'apparences de comportement, de tenues, de langages et de mœurs. Cela est souvent effrayant. Si d'un certain point de vue ils sont toujours aussi naïfs et candides, il suffit parfois de jeter un œil sur certains forum adolescents, ils sont aussi vieillis avant l'âge par l'observation de leurs parents en particulier et des adultes en général, et leur absence souvent, leur refus de transmettre quoi que ce soit, à commencer par des valeurs un peu plus exaltantes que le fric et sa consommation immédiate, des géniteurs couchant à droite et à gauche en mimant la complicité avec leur progéniture, le laxisme sympathoche sur la drogue et le sexe, oubliant d'éduquer.



Et puis ce récit me rappelle aussi ma propre enfance. Nous rêvions de mondes meilleurs, de voitures volantes et d'une société enfin unifiée et non d'un monde où la possession d'un téléphone dit portable est un des critères fondamentaux de dignité sociale pour les plus jeunes et les grandes personnes réputées raisonnables, un monde où les enfants ne rêvent plus que pavillon « monopoly », de PEL et de construire un ménage ressemblant à celui d'une pub pour lessive en poudre...



Un film se découvrait en salles et pour nous voir nous allions dans un lieu bien mystérieux qui s'appelait, ami lecteur djeuns, un « café ». Nous nous donnions rendez-vous dehors. Le « quart d'heure américain » était le comble de l'audace, on éteignait les lumières pendant, le porno c'était juste des affiches ou des photos suggestives que nous voyions en vitrine de certains cinémas...
Arrêtez le monde... je veux descendre ! 8 étoiles

Arrêtez le monde... je veux descendre !

Joyce Maynard nous invite dans le monde de l'Amérique des années 60 vues par une jeune fille... elle.
Il aura fallu quarante ans (que l'auteur atteigne la célébrité) pour avoir une édition traduite en langue francophone. Le texte a pris un coup de vieux mais donne beaucoup d'interêt aux souvenirs.
Ce monde sans téléphone portable où les jeunes défilaient pour des idées... était-ce sur une autre planète ?

Monocle - tournai - 64 ans - 16 août 2018