Qui dira la souffrance d'Aragon ?
de Gérard Guégan

critiqué par CHALOT, le 24 février 2015
(Vaux le Pénil - 76 ans)


La note:  étoiles
Un roman témoignage
« Qui dira la souffrance
D’Aragon ? »
Livre de Gérard Guégan
Editions Stock
274 pages
Janvier 2015
Passion et complots

Nous sommes en septembre 1952, en pleine glaciation stalinienne.
Une purge commence au PCF, elle est de taille puisqu’elle vise deux personnalités de premier plan : André Marty et Charles Tillon
Auguste Lecoeur et Duclos sont à la manœuvre, le premier ignorant d’ailleurs qu’il passera assez rapidement de la place de procureur à celui d’accusé.
Louis Aragon, le poète sait tout cela, il connaît le mécanisme et reste l’intellectuel de l’appareil prêt à cautionner le pire, car il est comme ses pairs et comme les autres dirigeants « communistes » attachés au parti, en dehors de lui, il n’y a pas de salut !
Il rencontre Mahé , missi dominici de l’appareil soviétique, venu au Comité Central du PCF comme invité spécial
Aragon a 55 ans et Mahé en a 28.
Entre ces deux hommes, c’est un lien très fort qui les unit, une passion très forte qu’il faut cacher.
Le PCF ne tolère pas l’homosexualité, quant à Staline, il hait les homos qu’on appelle à cette époque : les « pédérastes » .
Comme l’explique Aragon à son jeune amant :
« La vraie question, ce n’est pas de savoir si c’est un coup de foudre, la vraie question, c’est de se demander s’il y aura un lendemain. J’ai envie de te répondre que oui, mais tu le sais, nous sommes des clandestins et nous sommes condamnés à le rester. »
Qui dira la souffrance d’Aragon ?
Laquelle ?
Celle d’avoir été homosexuel à une époque et dans un parti où c’était une « déviation » interdite, à combattre ?
Ou celui d’avoir couvert la politique stalinienne des Thorez ?
Ou une double souffrance ?
L’émotion et la description réaliste de la politique et de la réaction des dirigeants du PCF sont les ingrédients donnant à ce récit tout son sel.

Jean-François Chalot