L'Auvergne insolite. Petit guide pataphysique
de Auteur inconnu

critiqué par Radetsky, le 22 janvier 2015
( - 81 ans)


La note:  étoiles
L'Auvergne géologographe, ou la caverne du père Ubu
Ce qui constitue le cœur de notre beau pays, son ombilic, sa matrice dirais-je, là où Jules César inaugura sa guerre des Gaules par une déculottée à Gergovie, à savoir l’Auvergne (saluons !), n’est pas uniquement la patrie de la race de Salers, d’une ribambelle de volcans surprenants dans leur variété, de magnifiques églises romanes, de paysages uniques, d’habiles artisans et d’horizons immenses. En effet, que serait cette belle province sans les Auvergnats, dont la générosité, l’opiniâtreté, la compétence professionnelle et les multiples dons lui donnent tout son sel.
Le tout remontant comme chacun sait « à la plus haute antiquité » (A. Vialatte dixit)
Parmi ces dons, l’humour, le sens du merveilleux, et le génie du récit loufoque ou joyeux ne sont pas les moindres.
On notera d’entrée de jeu l’exergue du livre : « Petit guide pataphysique » et c’est sous cet auspice qu’on devra considérer tout ce qu’il contient, de l’article de presse à la légende, de la biographie au portrait psychologique, du signalement géographique au commentaire artistique. Chapitre 1 par conséquent : la Pataphysique.
A tout seigneur tout honneur, c’est bien sûr à Alfred Jarry (dont le héros Ubu était l'avatar d'un personnage bien réel, jadis professeur de physique à Clermont-Ferrand ) qu’on se réfère en premier et à son « père Ubu », ceux-ci bénéficiant d’un historique substantiel de leurs apparitions et développements, dans les trois premiers sous-chapitres, ainsi que quelques condisciples de Jarry, tout comme la genèse du "Collège de Pataphysique.
Puis vont se succéder Roger Vaillant, René Daumal, Alexandre Vialatte, Pourrat, sans chronologie imposée mais au fur et à mesure des thèmes abordés ; sans oublier le Groupe de Bourbaki, dont un membre (Cartan) replié à Clermont-Ferrand « …{enseigna} le calcul différentiel dans les espaces de Banach…, ce qui ne manque ni d’air ni d’espace vu que l’Auvergne s’imposait naturellement à l’épanouissement des génies de l’abstrait.
Mais les génies ne sont pas les seuls à peupler l’ouvrage, les choses les plus ordinaires, les plus banales y ont leur place, à commencer par ce concept le plus hautement pataphysique : le « Collège de Banalyse » au sous-chapitre 7, qui a son siège sur le quai de la gare SNCF de Fades (Puy-de-Dôme), parfaitement…
Vont suivre au chapitre 2 les « Fous littéraires, auxquels succède un chapitre consacré à « L’Art Brut » qui mêle Bernard Buffet, puis le canular historico-archéo-loufoque de Glozel, Alphonse Courson, Terrasse, Barbiero, Gilmat, Tourlonias, plus quelques autres peintres, sculpteurs ou « éthérés » variables peuplent ce chapitre.
Viennent ensuite au chapitre 4 les Excentriques.
Granet, Mauricia de Thiers, Merklen, exposent leurs existences bizarres, avant que n’interviennent au chapitre 5 les vrais (bizarres), chez qui les sectes et autres associations de travailleurs du chapeau étalent leurs dons, qui vont de l’ésotérico-maffieux au néo-fascisme fumeux.
Place enfin au chapitre 6 aux politiques et parlementaires, lesquels doivent beaucoup, soit dans leurs programmes, soit dans leurs attitudes, soit dans leurs mœurs, à la Pataphysique (lisez les journaux…).
La caricature, bien malmenée ces derniers jours, n’est pas absente chez les crayons auvergnats, ainsi qu’il est dit au chapitre 7, avant que les chapitres 8 et 9 ne viennent consacrer les créateurs, créatures et autres éléments pittoresques d’une Auvergne qui n’en manque pas, ainsi qu’on l’aura constaté jusque-là.
Et pour paraphraser un type qui avait un peu l’air du bougnat café-bois-charbon nuance XIXe siècle : « Auvergnats de tous les pays, unissez-vous ! », formule que ne reniera guère la Pataphysique imprégnant ces pages.
Une bonne lecture pour des vacances…en Auvergne.