La sociologie et sa vocation scientifique
de Dominique Raynaud

critiqué par Elya, le 15 novembre 2014
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
Monisme méthodologique
Dominique Raynaud est sociologue à l'université Pierre-Mendès-France de Grenoble. Au travers de cet ouvrage il présente et décortique les deux principaux courants existants en sociologie. Tous deux cherchent à établir la sociologie en tant que science. Dominique Raynaud montrera au travers d'un argumentaire extrêmement coûteux en attention qu'il n'est pas justifié de suspendre le jugement scientifique ordinaire et d'appliquer des normes spécifiques de scientificité en sociologie, comme le postulent les tenants de l'épistémologie régionale, forts représentés dans les milieux académiques. Au contraire, soustraire la sociologie de l'épistémologie générale (celle commune aux différentes sciences dites "dures"), c'est là condamner à un état de sous-développement, c'est sous-estimer les possibilités qu'elle offre, c'est "pratiquer une épistémologie normative aux confins du discours ordinaire".

Dans les premières pages, Dominique Raynaud montre en quoi ces deux positionnements épistémologiques au sein de la sociologie ne sont en fait qu'une ré-actualisation, voire une radicalisation, de débats du XIXème siècle autour des différences entre "sciences de la nature" et "sciences de l'esprit".
Ensuite, il présentera les thèses avancés par les "régionalistes" et les réfutera. C'est la partie la plus complexe de l'ouvrage, mais certains passages restent accessibles. Par exemple lorsque l'auteur montre que la sociologie peut parfois être une science expérimentale, comme les sciences dites naturelles peuvent parfois être non expérimentales, un des arguments les plus faciles à mettre en avant pour décloisonner ces disciplines. À aucun moment Dominique Raynaud ne remet en cause le caractère complexe de la sociologie, qui porte sur des être dotés d'états intentionnels. Seulement, dire des choses vérifiables au sein de cette complexité ne nécessite pas de méthode spécifique.

Cette lecture est indissociable, je crois, de l'ouvrage de Mario Bunge, Le matérialisme scientifique, qui peut être une bonne introduction à l'ouvrage de Dominique Raynaud, ardue également mais dans une moindre mesure. Jean Piaget dans L'épistémologie des sciences sociales se positionne aussi de manière similaire.