Ce récit autobiographique est avant tout, peut-être, pour la jeune romancière qu’est Laure Protat, l’occasion de subir une catharsis, de pratiquer une thérapie, qui fixerait, pour mieux les neutraliser, les questionnements, les hypothèses et les fêlures provoquées par le décès de son père alors qu’elle allait fêter ses quatorze ans.
Le parti pris, que Laure Protat assume complètement, d’offrir cette histoire sous la forme d’une autofiction, pose la question de savoir en quoi L’indifférent est un roman, alors qu’on pourrait éventuellement le considérer comme un témoignage. La frontière est fragile. La mise en scène, l’injection de matière littéraire, une certaine façon de raconter, tous ces éléments, difficiles cependant à qualifier précisément, permettent sans doute de considérer ce récit comme un roman. En tout cas la narration s’avère troublante, mettant à la fois de la distance et de l’intimité entre le lecteur et la narratrice, qui s’avère être la romancière elle-même.
Quoi qu’il en soit, ce choix, qui interpelle, n’est pas un hasard. L’échec du père de Laure, refoulé pendant des années, quant à son ambition de devenir écrivain, émerge comme étant probablement une des causes de son suicide. On imagine que sa fille, à son tour, a porté ce projet comme un hommage au disparu, un accomplissement posthume.
La prose de Laure Protat est parfois maladroite (surtout pendant la première partie du livre), parfois également un peu bavarde ; elle parvient néanmoins à tisser, à travers l’évocation de ce père finalement mystérieux, un peu étranger au monde, au geste incompris, un récit touchant, où l’émotion affleure, tendue par la passion de la littérature et par des questions malheureusement restées sans réponse.
Fanou03 - * - 49 ans - 4 mai 2015 |