L'idéologie sportive
de Collectif

critiqué par Elya, le 26 octobre 2014
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
Une énième pierre à l'édifice de la théorie critique du sport
Depuis les années 60, un groupuscule français de sociologues, enseignants, historiens, s'emploie avec ténacité à creuser quelques brèches critiques dans les discours dominants et unanimes autour du sport. Réunis initialement autour de la revue Quel corps, certains de ces acteurs sont actuellement regroupés au sein de la revue Quel corps, qui écrit cet ouvrage collaboratif paru en 2014. Ce dernier constitue une porte d'entrée accessible vers ce courant critique radical, à l'épistémologie chancelante (freudo-marxisme, école de Francfort etc.), au ton parfois virulent à l'extrême, mais aux conclusions souvent pertinentes et chamboulantes.

L'idéologie sportive montre avec brio à quel point les discours sur le sport sont tous empreints des mêmes lieux communs, populismes, affirmations gratuites, et autres fléaux de la pensée pré-mâchée, qu'ils soient prononcés par des politiciens (tous partis de rattachement confondus, du Front National au Parti Communiste Français, en passant par le PS, et même au sein de certaines mouvements libertaires), des journalistes ou des intellectuels. Le constat est clairement affolant et la médaille d'or du discours idéologique le plus sordide est délicate à remettre, tant excellent Axel Kahn, Michel Serres, Edgard Morin, parmi tant d'autres, lors de leurs joutes pseudo-philosophiques sur le sport. Tous concourent à lui donner une légitimation sociale, une justification éthique et une mission éducative, toutes trois plus que discutables, quand ils ne versent pas dans un racisme ordinaire abject, lorsqu'il s'agit par exemple d'aduler Christophe Lemaitre, « premier sprinteur blanc » à courir le 100m en moins de 10 secondes. Combien de fois dans les médias entendons-nous ou lisons-nous que le sport est « neutre », « apolitique », sans que cela ne nous choque plus que cela.

Entendons-nous bien sur le sens ici donné au sport, qui est « l'institutionnalisation de la mesure des résultats, l'arbitrage, la recherche de la performance (compétition, rendement), la codification des affrontements et l'entrainement rationnel ». Ainsi, les balades en vélo, les exercices d'entretien physique du quotidien, les marches en plein air, ne sont pas du sport, et le bien-fondé de leur existence n'est à aucun moment remis en question.
Comme le décrit Jean Marie Brohm, qui caracole en tête parmi les diffuseurs de la Théorie critique du sport, le sport est vu dans cet ouvrage comme « le modèle réduit de la société capitaliste industrielle axée sur le rendement et la productivité », ce qui s'oppose au courant de sociologie du sport plus répandu, qui le voit comme « ce que font les personnes interrogées quand elles disent faire du sport ».

Bien sûr, certains sports (comme le football ou le cyclisme), évènements (les jeux olympiques) et pratiques (le dopage) sont les cibles privilégiées de ce courant contestataire, mais des pratiques sportives plus récentes et a priori plus anodines (le vélo, la course à pied) sont aussi analysées, et forment le lit des mêmes dérives.

Ces propos forts, sans pincettes, sauront sans doute chambouler notre rapport au sport et changer notre lecture de l'actualité sportive.