Voyage au pays des Apaches
de Samuel Woodworth Cozzens

critiqué par Heyrike, le 24 novembre 2003
(Eure - 56 ans)


La note:  étoiles
Quand la haine englouti l'humanité
Ce texte très court est extrait d'un livre paru en 1873 sous le titre "La contrée merveilleuse. Voyage dans l'Arizona et le Nouveau Mexique", jamais réédité depuis un siècle.
S.M.Cozzens est un jeune aventurier en mal d'exotisme. Paré de l'arrogance et de la certitude du plein droit du monde civilisé sur la sauvagerie, il entreprend une expédition ethno-raciste.
C'est gavé d'histoires de massacres perpétrés par les Apaches, ("…ce fléau de l'homme blanc", qui révèle une fois de plus leur caractère "sournois, lâche et vindicatif") qu'il décide de rencontrer Cochise pour le convaincre de l'emmener découvrir son village. Après quelques palabres et quelques litres de Whisky, Cochise accepte. Tous les deux partent pour une longue marche à travers l'Apacheria, Cozzens est, tout à la fois, fasciné et terrifié par le paysage accidenté qu'il découvre et lorsqu'ils effectuent la descente, par des sentiers étroits et vertigineux, vers les profondeurs des ca–ons il croit plonger dans les ténèbres de l'enfer.
Bien qu'il soit accueilli amicalement par le clan de Cochise, Cozzens offre une description cauchemardesque des Apaches. Des êtres "les plus sales, les plus répugnants et les plus abrutis qui aient jamais déshonoré la forme humaine". Reconnaissant du bout des lèvres les attentions des Apaches à son égard il ne renonce pas, cependant, à ses préjugés obscurs lorsqu'il décrit une "danse diabolique" célébrant "les glorieux pillards et généreux assassins".
En exacerbant la bestialité des Apaches (qui l'on malgré tout hébergé pacifiquement) Cozzens s'évertue à mettre en évidence la supériorité du monde civilisé et progressiste, ainsi que son immense courage pour avoir osé vivre parmi "les sauvages sanguinaires". Cozzens fait partie de ceux qui furent les porte-parole d'une pensée aux théories immondes, dont le XIXe siècle a accouché.
Aussi accablant que soit ce récit il me semble essentiel qu'il soit connu. Car au-delà des préjugés racistes ignobles que l'auteur assène sans scrupules au mépris de la plus élémentaire humanité, il y a là matière à réflexion sur les fondements d'une civilisation millénaire dont l'accomplissement socio-politique et philosophique ne suffit pas à briser les idéologies abjectes et ces conséquences barbares et semble être, au contraire, le pourvoyeur de doctrines ignobles propres à la perpétration de la haine.
Les cinq étoiles ne sont attribuées ni à la qualité littéraire ni aux idées développées dans ce texte bien évidemment, mais elles ont pour but d'attirer l'attention sur celui-ci, car il me semble être l'exemple même de l'expression de l'idéologique xénophobe de cette époque, qui perdure malheureusement encore de nos jours.