Les Galettes de Pont-Aven
de Joël Séria

critiqué par Sundernono, le 15 septembre 2014
(Nice - 40 ans)


La note:  étoiles
Les galettes de Pont-Aven
Henri Serin est un homme tranquille. VRP émérite du parapluie, il aime s’adonner à la peinture entre ses tournées l’amenant des falaises de Normandie au Marais poitevin en passant par les plages Bretonnes. Parfois une cliente le laissera prendre un peu de plaisir sous ses jupes, petits plaisirs volés à une vie plutôt morose. Mari rejeté et père désavoué, il rêve de toutes ses femmes qui l’ont rendu ou pourraient encore le rendre heureux. Il aimerait mener une vie à la Gauguin, les peindre en vert, en rouge, en bleu. Il rêve d’un amour fou.

Roman tiré du film culte éponyme, Les galettes de Pont-Aven est un véritable régal. Ecrit par le réalisateur Joël Séria près de trente années après avoir été réalisé pour le septième art, il lui est profondément fidèle. Ceux qui ont aimé le film avec un grand Jean-Pierre Marielle dans la peau de Serin ne seront pas déçus. En effet on y retrouve avec grand plaisir les dialogues savoureux d’un Serin cocasse, drôle, pathétique, envoûté :

« La commerçante baissa les bras et s'ouvrit toute, vaincue par le plaisir.
- Henri !
- Ah, t'es bonne !...
- Henri !
En plein délire, enfoui dans l'intimité de la commerçante, à des années-lumière de son quotidien lugubre et fadasse, Serin la dévorait et la respirait tout à son aise, baissant et relevant la tête pour lui faire part de son enivrante félicité.
-Ah, tu sens bon !... Ah, tu sens bon, toi !... Ah, t'es bonne ! Ah, t'es bonne !... Ah, nom de dieu ! Ah, nom de Dieu de bordel de merde ! »

Avec ce dialogue le ton est donné. Ne vous attendez pas à de la grande littérature mais à un livre hors norme, un roman très humain comme on en fait plus, un roman populaire sans être péjoratif. Ce livre respire les années 70 : ton parfois cru, libération des mœurs, vision réaliste d’une France champêtre, bref un écrit libéré de toute barrière morale. En un mot : jouissif.
Qu’il est agréable de lire une œuvre si décalée, si parfois immorale. Ce ton je l’avais retrouvé dans les Valseuses de Bertrand Blier. Ici il est juste un peu plus naïf.
Serin est un personnage fort et attachant, un peu obsédé aussi mais c’est ce qui me la rendu encore plus touchant.

Autre plaisir, ce roman comporte une deuxième partie, Pleine Lune à Pont-Aven, qui se passe vingt-cinq ans plus tard. Du même tenant que la première moitié du livre, elle se lit elle aussi avec grand plaisir. On y retrouve un Serin « Gauguin » haut en couleurs. Sacré Henri Serin !

Un roman décalé, parfois obscène, affranchi de toute moralité. Un roman qui m’a bien souvent fait rire et c’est tout ce que je lui demandais.