Pascal Boniface reprend à son compte le vieux débat sur la place des intellectuels français dans la politique. Rappelant à juste raison qu'il s'agit d'une discussion bien française dont le premier exemple est probablement Voltaire, suivi par de nombreux autres (Hugo, Zola, etc.), Boniface éclaire le thème en opposant la figure de l'intellectuel attelé à la raison et à l'honnêteté (telle que défendu par Julien Benda dans 'La trahison des clercs', voir sur ce site) et celle de l'engagé politique exemplifié par Sartre. Opposition qu'il résume dans l'aphorisme (p.23):"...il vaut mieux avoir tort avec Sartre que raison avec Benda".
Ceci posé, il actualise le problème par l'introduction de la présente prédominance des médias dans la formation de l'opinion publique et, conséquemment, du jeu imposé par ceux-ci à qui veut y être et y rester présent. Or, dit Boniface, les médias - et le public? - ont une préférence pour la position morale. Ceci conduit toutes sortes d'intellectuels à pratiquer ce jeu et à défendre des positions morales "faciles" aux dépens d'analyses plus fouillées et porteuses de sens plus compliqués. Boniface concrétise toute cette première approche sur diverses présentations de l'Islam, du conflit israélo-palestinien et des politiques israéliennes.
Il laisse alors penser que, pour des raisons de présence dans les médias, de nombreuses présentations des problèmes sont volontairement faussées par des intellectuels 'faussaires". Et cela introduit la deuxième partie du livre consacrée à des portraits de certains de ces intellectuels.
Et c'est là que se pose, à mon avis, un problème de méthode et de rédaction du livre. Boniface procède en partie par une sorte d'accusation globale de chaque intervenant et en partie par le démontage d'une intervention par la présentation de faits contradictoires. Du coup, le lecteur ne sait pas trop sur quel pied danser. L'opinion de Boniface est-elle celle d'un homme vis à vis de ses ennemis - ou du moins de ses opposants - ou celle d'un intellectuel attaché à redresser la vérité situation par situation? Il est vrai que cette deuxième solution demanderait un énorme ouvrage, que n'est pas celui-ci. Il me semble donc que livre de Boniface, pamphlétaire, manque largement son but et ne donne pas vraiment à son lecteur, souvent ignorant du fond des choses, les clefs nécessaires.
Falgo - Lentilly - 85 ans - 28 août 2014 |