Morgue pleine
de Jean-Patrick Manchette

critiqué par Superhuman, le 20 juillet 2014
( - 32 ans)


La note:  étoiles
Polar (presque) à 2 balles
N'ayant pas pour habitude de branler le pis des vaches sacrées (ceux qui me connaissent vous diront que ce n'est guère dans mes manières), j'ai néanmoins décidé il y a peu de m'attaquer à cette "valeur sûre" du policier qu'est J-P Manchette, dont j'ai découvert récemment le style certes parfois surfait, mais non dénué de diverses qualités ça et là.

Manchette avait du talent pour décrire les personnages de son monde il faut l'admettre, et aussi j'aime la méticulosité distinguée de son enfer froid. Bien que la plupart des péripéties des histoires de cet auteur sont urbaines; il y a là-dedans présent un certain bon sens accompagné d'une certaine sagesse... que ne pourront pas lui nier ses ennemis ! C'est déja ça.

D'autre part j'apprécie perso son coté paysan - qu'il reconnaît lui-même à plusieurs reprises dans ses romans - dans celui-ci c'est, de toute façon, flagrant puisque le détective est un nommé Tarpon. Un ancien gendarme défroqué ainsi que rugueux, direct peut-être mais honnête en somme.

Et puis avec le temps les truismes de Manchette sont devenues vintage sinon acceptables, par exemple avec "Morgue Pleine" ou ses obsessions et terreurs d'un complot d'extrême-droite - J-P Manchette vivait en permanence dans cette peur politique - font surface. Un peu exagérées sans nul doute dans sa propagande, et qui font aujourd'hui le charme de ses récits... Bien sûr il faudra accepter sa tendance de pensée manichéenne qui veut que le Bien par-excellence et les bonnes choses proviennent en général d'idées de gauche, mais ceci est encore une autre histoire, non ?


Résumé


La gendarmerie mène à tout. Et même à la profession de détective privé. Minable, bien sûr. Sauf... sauf qu'on s'embringue, malgré soi, dans un sauvetage d'orphelins qui aboutit à des incidents aussi byzarres qu'affreux, incendies de voitures, massacres en chaîne, hystérie raciale, dinguerie caractérisée.
Cependant qu'un P-D-G inquiétant n'arrête pas de pleurer comme trente-six madeleines.
Un peu décevant 5 étoiles

Eugène Tarpon, ancien gendarme et nouveau détective privé, s'apprête à jeter l'éponge faute de clients et à retourner dans sa province, quand il reçoit un certain Alain Lhuillier qui se dit victime de racketteurs. Avec quelques amis, il a monté un petit club de jazz dans la cave d'une ancienne épicerie. Mais comme il rencontre un petit succès, quelques types lui ont demandé de cotiser à une pseudo « Mutuelle des Limonadiers ». Il a refusé. Un ampli a été saboté et les voyous sont revenus à la charge exigeant 25% de la recette. Il a payé, mais voilà que les racketteurs se sont montrés plus gourmands. Ils veulent maintenant rien moins que le double. Tarpon n'accepte pas le job. Mais bien vite il se retrouve avec un premier cadavre sur les bras. Celui d'une certaine Griselda salement égorgée. Elle était actrice dans de petits films pornos. Tarpon soupçonne d'abord sa meilleure amie. Plusieurs enlèvements et quelques assassinats plus tard, il en arrive à une autre explication…
« Morgue pleine » est un roman noir que l'auteur lui-même a présenté comme une œuvre alimentaire, écrite au fil de la plume, à toute vitesse et pour payer ses impôts. Et c'est bien l'impression que le lecteur a en lisant cette histoire assez mal ficelée. On est bien dans une ambiance cinéma glauque américain avec pas mal d'allusions au jazz de l'autre siècle. On aimerait en savoir plus sur Tarpon, mais on reste sur sa faim en se posant des questions. En effet, Manchette a gardé le parti pris de ne décrire que les actions (récurrentes d'ailleurs) et, vaguement, quelques décors, mais pas de contexte psychologique ou autre. Les autres personnages manquent de consistance, de pâte humaine. Ils restent parfaitement archétypaux pour ne pas dire caricaturaux (la pute, le maquereau, le gangster, etc…). On aurait aimé quelque chose de plus travaillé, de moins brut de décoffrage et même avec un brin d'humour et de détachement (la narration à la première personne n'aide pas). Mais faut pas trop rêver ni en demander dans ces conditions. En résumé, pas le meilleur opus du maître…

CC.RIDER - - 67 ans - 12 septembre 2025