Les douze enfants de Paris
de Tim Willocks

critiqué par Alud, le 8 juillet 2014
( - 47 ans)


La note:  étoiles
L'opéra sauvage
Après le siège de Malte par les turcs, sujet du précédent roman de l'auteur, "La Religion", nous suivons Mattias Tannhauser qui cherche à rejoindre sa femme à Paris le 23 août 1572, la veille du massacre de la saint Barthélémy.

Penser que Tim Willocks à l'image d'Alexandre Dumas ("La reine Margot") ou de Robert Merle ("Paris, ma bonne ville", excellent roman un peu oublié) a écrit un roman historique me semble une erreur, même si les évènements du mois d'août 1572 servent de toile de fond à son intrigue. Nous sommes plus dans une épopée mythologique à l'image de "L'Iliade" avec laquelle ce roman partage plusieurs points communs. En effet, par Mattias, sorte de héros du carnage, l'univers plus ou moins ordonné de la situation historique ( protestants et catholiques rassemblés à Paris pour le mariage d'Henri de Navarre avec la fille de Catherine de Médicis) va basculer dans un chaos sauvage. Il n'y a plus de combat loyal mais extermination. Il n'y a plus de cadre, plus de mesure.

La violence des descriptions de cette extermination est extrême, voire insoutenable.

"Tannhauser frappa le pèlerin suivant dans les reins et l'ouvrit jusqu'à l'omoplate, avant de relever son arme pour faire voler l'épée du dernier de la rangée. Il accentua sa poussée, pivotant sur la hanche, lui découpa le côté du visage jusqu'à la narine opposée. Il roula la hampe de sa pique à deux mains, comme s'il remontait l'eau d'un puits, et sentit le craquement quand la lame sépara la mâchoire inférieure du reste de sa tête, comme une palourde obstinée. La spontone glissa, libre, lorsqu'il recula, et il embrocha le pèlerin dans le sternum, le souleva et le balança dans les jambes de la mêlée."

Si ces quelques lignes vous donnent la nausée, vous ne saurez pas lire "Les douze enfants de Paris" Pourtant cette violence concourt à faire du récit une prouesse littéraire, une sorte de cauchemar halluciné, une boucherie symbolique où l'adversaire n'est réduit qu'à un corps à dépecer. La violence sous toutes ses formes est interrogée, comme moteur de l'histoire, comme corollaire du fanatisme, comme archétype de la survie, comme origine de la vie puisque Carla, la femme de Mattias accouche au milieu de cette furie mais aussi comme seul faire valoir à l'amour qu'il éprouve pour elle, entre souillure et rédemption.

La fin du roman atteint un tel paroxysme qu'elle nous mène dans une symbolique de l'enfer. Dans une barque, les survivants de l'épopée, les douze enfants, tentent de sortir de Paris entre les flammes par la Seine rouge de sang.

Il y a aussi dans ce roman du Victor Hugo de "Notre Dame de Paris", une cour des miracles, des personnages secondaires typés dont un "Quasimodo", roi de cette cour, qui se sacrifiera par amour. L'univers de Tim Willocks montre un goût certain pour le "gothique".

Si je ne vous ai pas découragés, sachez quand même qu'il est impossible de refermer le livre avant d'en connaitre la fin, c'est un vrai "page turner" à condition d'avoir le coeur bien accroché et de lire cette violence en prenant le recul du symbolique. L'écriture est fluide, concise et poétique. C'est un roman étonnant.



Mais que faisait l'auteur avant d'écrire, était il boucher? Ha, non chirurgien.......d'accord....
Manque plus que le boudin noir !!! 1 étoiles

J'ai lu 274 pages et j'arrête. Cfr les critiques ci-dessus. Du sang, des boyaux, de la merde, des chiens enflammés, des viols, des bites et des couilles etc etc...
Il existe des livres beaucoup plus intéressants sur les religions et sur les massacres de la Saint Barthélémy.
Pour moi un nul pointé. Je suis attristé de devoir mettre 1/2 étoile.

Usdyc - Bruxelles - 67 ans - 22 avril 2020


Terrible et sanglant 9 étoiles

Ecrit d'une plume alerte et plaisante, c'est un road movie terrifiant en plein Paris, au moment du massacre de la Saint Barthélémy ! Très cru, très dur, très réaliste dans sa description du carnage, du Paris d'alors... ce qui en fait un livre pour adulte averti.

En pleine guerre de religion, Matthias est plongé au coeur d'un complot qui vise sa femme (et son enfant à naître). Il n'aura de cesse de la retrouver, en semant derrière lui un sillon sanglant. Au gré de sa traversée, il fera de multiples rencontres, tout comme sa femme, toutes prétextes à plus d'humanité ou d'inhumanité.

La toile de fond de la St Barthélémy est très bien rendue : on s'étripe un peu par fanatisme religieux, mais surtout par soif de pouvoir, par peur de perdre sa place, par cupidité, par loyauté, par bêtise, jalousie... Finalement, Dieu n'a pas grand chose à voir là-dedans, pauvre instrument dans des mains d'hommes sans scrupule et ambitieux qui en usent et en abusent pour faire de l'autre un ennemi, une cible à détruire.
Lorsque les tueries commencent, les victimes huguenotes n'ont guère de solution... la fuite ? Très peu en ont réchappé. La résistance ? Impossible contre des forces armées en nombre qui ratissent la capitale. C'est un abattage systématique qui se met en place des hommes, des femmes, des enfants, avec son cortège de vols, viols et autres tortures.
On ne peut qu'être étonné par les échos très actuels de ces anciens massacres qui se perpétuent...

Tim Willocks confirme son talent pour les épisodes sanglants et désespérés (voir aussi "La Religion"). Excellent livre, à réserver aux coeurs bien accrochés et pas très sensibles aux situations anxiogènes.

Colt - - 51 ans - 20 décembre 2015


Trop violent et assez fumeux 3 étoiles

Il y a des romans qu'on quitte à regret; on s'y trouve si bien qu'on aimerait ne jamais les voir finir. A contrario, il en est qu'on termine avec un ouf de soulagement; leur lecture est si pénible qu'on a hâte d'en finir, d'autant plus quand il s'agit d'un livre de plus de 1000 pages. C'est ce que j'ai ressenti au fil des pages de ce gros pavé de Tim Willocks. Un roman qui n'est pourtant pas dépourvu de qualités, à commencer par ses personnages hauts en couleur, son cadre (Paris) et sa période historique (celle des massacres de la Saint Barthélémy). Mais un roman dont les énormes défauts finissent par annihiler complétement les qualités. J'en vois deux. D'abord et avant tout, la complaisance avec laquelle l'auteur décrit les scènes de tueries: il y en a des pages et des pages, toutes plus détaillées les unes que les autres, des têtes coupées, des corps éviscérés et démembrés, une énumération de crimes et de violences qui submerge tout jusqu'à provoquer la nausée. On me dira que le contexte historique s'y prête! Certes, mais l'auteur en fait vraiment trop, au point qu'on se demande s'il n'y trouve pas un plaisir quelque peu pervers. C'est, à mon avis, malsain. A cela s'ajoute un récit assez minimaliste (un chevalier de Malte recherchant sa femme enceinte afin de la sauver du piège sanglant qui s'est refermé sur elle) et de timides et peu convaincantes tentatives de donner du sens à cette histoire en l'orientant vers quelque chose d'ésotériquement fumeux! On pourrait comparer ça au dernier "Mad Max", sorti récemment sur les écrans. Des personnages intéressants, un cadre fabuleux, mais une histoire bêtasse qui n'est qu'un prétexte à un déferlement insensé et ennuyeux de bruit et de violence. Ouf! Que c'est agréable quand ça s'arrête!

Poet75 - Paris - 67 ans - 9 juillet 2015


Trop de sang pour moi. 1 étoiles

La mise en garde d'Alud dans sa critique est judicieuse ; ce long, très long roman est vraiment une boucherie . Des fleuves de sang, des tueries à la James Bond quelques siècles avant l'heure. On s'étripaille, on viole, on égorge joyeusement de la main gauche tandis qu'avec les doigts de la main droite on se cure le nez.
Certains semblent juger que toute cette violence dessert le sujet (à savoir le massacre de la Saint-Barthélemy en 1572)... pour ma part 400 pages m'ont suffi pour me forger une idée sur la chose et je vais me consoler en lisant un Christian Signol.
Trop c'est beaucoup quand même !

Monocle - tournai - 64 ans - 15 février 2015


A ne pas conseiller aux doux enfants 7 étoiles

Il est de retour le beau guerrier, ancien janissaire qui a combattu à Malte contre le Turc et pour la Religion! De retour à PARIS afin de retrouver sa belle qui, au terme de sa grossesse, s'est fait inviter dans une famille huguenote en attente de se produire devant la cour avec sa viole de gambe. Tout pourrait être bonheur, sauf qu'à PARIS, nous sommes à la veille de la St Barthélémy. Et patatras, tout s'effondre. Massacres en veux-tu en voilà, découpages d'humains à l'envie, fleuves de sang dans lesquels tout patauge, bref, Mathias n'a pas de chance. Surtout que sa femme a disparu. Surtout qu'elle est recueillie dans les Cours des Miracles, curieusement hospitalières compte tenu de la boucherie ambiante, et pour fuir un complot tramé en haut lieu. Mathias va donc s'énerver. Et quand Mathias s'énerve, il n'y a plus d'adversaires, que des victimes.
Avec une écriture folle, terriblement exhibitionniste voire pornographique, Tim Willocks régale les assoiffés d'hémoglobine et les bouffeurs de fèces. C'est dément, extrême et précis à la fois. Si vous ne savez pas tailler l'homme, ce livre vous révèle les pratiques sanglantes du découpage meurtrier. C'est vrai que l'auteur est chirurgien. Et si vous tenez le choc face à toute cette orgie, sachez qu'il y a une histoire non dénuée d'intérêt. Le livre dégouline en grande partie, mais bon, son propos reste fictivement correct. Et Willocks sait aussi charmer son public. Des personnages attachants que l'on a envie de sortir de ce merdier, des salauds tortionnaires aussi, mais ceux-là sont pour Mathias.
Un peu long sans doute, gore à coup sûr. A ne pas conseiller aux doux enfants.

Hamilcar - PARIS - 68 ans - 14 novembre 2014


Passionnant 10 étoiles

Si vous avez aimé "La religion", vous aimerez "Les douze enfants de Paris".
On y retrouve le même souffle épique qui nous avait suffoqué avec son héros, Mattias Tannhauser, chevalier de Saint-Jean de Jérusalem, 7 ans après avoir vaincu les ottomans lors des 4 mois du grand siège de Malte. Sombre à souhait lorsqu'il manie les armes et totalement lumineux dans son rapport avec les humbles, alliant l'aisance d'esprit à la capacité de tuer sans broncher, Tannhauser va débarquer à Paris en pleine Saint Barthélémy pour retrouver son épouse, enceinte.
Prenez un maître d'arme, expert dans l'art de tuer rapidement, dites-lui que sa femme est morte après de grands sévices, jetez-le au milieu d'un massacre de masse qui a lieu en toute impunité dans la ville la plus grande, la plus sale et la plus corrompue du monde, et vous obtiendrez évidemment un chaudron explosif et jouissif qui va vous tenir en haleine 900 pages. Attention toutefois, âmes sensibles s'abstenir, le sang coule à flot au milieu des poèmes persans, des violes de gambe et des rossignols enchanteurs.

Mario-san - - 44 ans - 31 octobre 2014


Born to be wild 7 étoiles

Je m'attendais à lire un thriller en ouvrant mon premier Willocks et dès les premières pages j'ai dû revoir mon jugement. Je parlerais plutôt d'une épopée tant les aventures et les rencontres sont omniprésentes dans ce (long) texte. Je ne reviendrai pas sur l'histoire à proprement parler qui peut se résumer en une phrase "Tannhauser cherche sa femme enceinte dans Paris en plein massacre de la saint Barthélemy". Quelle boucherie mes amis... pas une page sans un massacre , un geyser d’hémoglobine à vous faire passer Tarantino pour un auteur de comédie romantique. Cela pourra déconcerter certains lecteurs et moi-même je dois avouer que je trouve que l'auteur en a fait un peu trop. Tannhauser est tout simplement invincible.. plus fort que Rambo , Seagal et Van Damme réunis... c'est dire ! Certes la reconstitution du Paris du 16 ème siècle est épatante mais la quasi invincibilité du héros ainsi que le nombre de cadavres qu'il laisse sur son passage m'a posé clairement un problème pour me fondre entièrement dans cette histoire mais j'ouvrirai prochainement un Willocks pour me faire un avis plus précis.

Ndeprez - - 48 ans - 30 octobre 2014


Le Rouge et le Noir.... 9 étoiles

Le rouge et le noir sont définitivement les seules couleurs qui habillent ce roman. Rouge comme le sang qui gicle sur chaque page, noir comme l’âme de Mattias, son héros fou, plongé en plein cœur du carnage innommable de la Saint Barthélémy, l’espace de trente-six heures, soit neuf cents pages pour nous.
A mi-chemin entre un jack l’Eventreur et un Terminator lâchés dans les ruelles glauques et puantes du Paris du XVIe siècle, le héros va trucider, massacrer, occire, défenestrer, etc… tous ceux qui ont auront la déveine de se trouver sur le chemin le menant à son épouse enlevée par de mystérieux ravisseurs. Et c’est qu’ils sont nombreux, catholiques, huguenots, hommes, femmes, animaux, soldats, surtout des soldats sans souci de leur écu, leur blason ou leur drapeau.
Et pourtant, Mattias n’est pas un psychopathe. C’est un soldat, chevalier de l’ordre de Malte, qui fait son travail, sans haine ni passion, avec la même application désintéressée que le boucher désossant un gigot.
L’auteur n’avait probablement pas l’intention d’écrire un traité sur la torture ou l’art de la guerre, mais nous saurons tout sur la meilleure façon d’énucléer, d’éventrer, d’éviscérer, d’étriper, d’égorger, de démembrer - le tout naturellement sans anesthésie - ou d’apprendre à enfoncer une dague sans verser le sang ou à l’inverse, le faire gicler en sectionnant une artère. Quand on sait que l’auteur est chirurgien et Grand maître en Arts Martiaux, on appréhende la chose différemment. On le dit aussi psychiatre…
On pourrait être profondément choqué, outré, dégoûté, voire franchement nauséeux de naviguer avec Mattias dans les ruelles de ce Paris exhalant l’odeur du sang, de la merde, du vomi et de la crasse mais curieusement, rien de tout cela ne se produit. On se laisse envahir peu à peu par la puissance du récit de cet Alexandre Dumas revisité par John Carpenter, par cette odyssée dans un cloaque où surgit, de temps à autre, tel un ange tombé en enfer la silhouette menue d’un enfant, par cette naïveté chevaleresque du héros et sa foi inébranlable en l’amour – à moins que ça ne soit l’inverse –
Bref, du fort, du puissant, du tonitruant, à ne pas mettre entre toutes les mains. Avec une restriction légère : on sait, par habitude, que dans ces romans volumineux, il y a toujours 200 pages de trop.
J’ai aimé. Vous n’aimerez peut-être pas. A vous de voir.

Lit et rature - - 71 ans - 18 septembre 2014