La maison du silence
de Orhan Pamuk

critiqué par Bernard2, le 5 juin 2014
(DAX - 75 ans)


La note:  étoiles
Déçu
Une vieille dame, une vieille maison, dans une station balnéaire en Turquie, au milieu des années 70. On y croise un nain, qui veille sur la vieille dame. Et cet été, comme chaque année, arrivent les petits-enfants.
Chaque personnage devient tour à tour narrateur au fil des différents chapitres. Les sujets sont divers : l'histoire de la Turquie , le conflit des générations, l'appel vers les pays occidentaux, le nationalisme. Mais aussi le repli sur le passé, ou les conflits familiaux.
Malheureusement, tout ceci est noyé sous des flots de palabres inutiles, sans véritable intérêt. Avec trop souvent des phrases interminables, qui n'apportent rien. Ce qui rend en définitive la lecture fastidieuse, et qui m'a plutôt déçu.
Portrait d’une société divisée 7 étoiles

Orhan Pamuk n’a pas encore passé le cap de la trentaine au moment où ‘La maison du silence’ est publié en Turquie. Bien qu’à ce stade sa maîtrise de l’art et son style semblent moins affirmés qu’ils ne le seront ultérieurement, ce second roman de l'auteur exhibe déjà plusieurs des éléments qui contribueront à définir le projet littéraire auquel il s’attachera.

L’histoire se déroule dans la région de Gebze (près d’Istanbul), au cours de l’été 1980, une époque qui précède de peu l’un des quatre coups d’état militaire qu’ait connu la Turquie depuis la seconde guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui. On découvre d’abord Redjep, fidèle serviteur de Fatma, un nain dont l’existence, en dehors de son travail et de l’exclusion dont il fait souvent l’objet, se résume à bien peu de choses. Avec Fatma, tous deux préparent l’arrivée de Farouk, Nilgune et Métine, les trois petits-enfants de l’aieule. Bousculant ses habitudes, en dépit d’un large fossé générationnel, la visite des trois jeunes gens n’en n’est pas moins attendue par cette vieille dame vivant seule, souvent alitée, et la plupart du temps plongée dans ses souvenirs. Farouk, l’aîné, est historien. Outre un divorce dont il souffre encore, nourrissant des doutes au sujet de sa ‘vocation’, lors de ce séjour, il passera ses journées à fouiller les archives d’une ville voisine et ses nuits à boire et à discuter avec sa sœur Nilgune. Etudiante en sociologie, Nilgune lit, va à la plage, et tout en affirmant être communiste, tâchant de défendre ses idées, elle apprend à vivre et prendre ses marques au sein de cette société complexe dans laquelle elle a vu le jour. Doué pour les mathématiques, Métine achève ses études secondaires et tout en épongeant diverses frustrations, il rêve de partir et d’aller faire fortune aux Etats-Unis.

Adoptant diverses perspectives en alternance, le récit évolue lentement, mais peu à peu, au rythme des petits événements animant leur quotidien au cours de cette semaine, au rythme de leurs réflexions, les personnages prennent vie et forme, et leurs points de vue respectifs se précisent. Latente, la tension monte donc de manière quasiment imperceptible jusqu'à éventuellement atteindre le point culminant du récit.

Avec sa quinzaine de personnages principaux et secondaires dont cinq voix narratives distribuées sur trois générations, ce roman dresse à travers les expériences d’une poignée d’individus, un micro portrait de société et met habilement en relief les malaises, les divisions, les tensions sociales, religieuses et politiques dont a souffert et dont souffre encore aujourd’hui la société turque.

Bien que les personnages eussent gagné à être définis avec un peu plus de rigueur, Orhan Pamuk a toutefois su transcrire l’amertume des uns, le silence rentré, la frustration, ou la révolte contenue des autres, de même que la vivacité impulsive d’une certaine jeunesse et cela, sans négliger l'ambiance régnant à cette époque.

L’intrigue évoluant en pointillé, on se demande, d’un chapitre à l’autre, quand et comment tous ces fils, tous ces points de vue vont converger, mais une fois le livre terminé, le portrait d'ensemble n'en est pas moins frappant de réalisme. Notons également la présence de quelques maladresses de nature stylistique (figures de style trop affectées et phrases inutilement sinueuses) qui ne sont pas sans rappeler que l’auteur en est toujours à ses débuts.

Quoi qu’il en soit, voilà un roman ambitieux tant pour la forme que pour ce qu’il tente d’accomplir, et malgré quelques faiblesses, à l’égale de l’analyse des principales strates de la société turque qui m’a semblé plutôt juste, le portrait qu’en dresse ici Orhan Pamuk n'en est pas moins d’une troublante actualité.

Note: lu en version traduite vers l'anglais.

SpaceCadet - Ici ou Là - - ans - 11 avril 2021


A LA RECHERCHE DE L’OCCIDENT PERDU 8 étoiles

Une famille, demeurant dans un petit port turc éloigné d’Istanbul, dans laquelle le grand-père a décidé de consacrer les années qui lui restent à vivre à écrire une encyclopédie dans l’espoir de sortir ses contemporains de l’obscurantisme.
Cet homme finira par se demander si la Turquie n’aurait pas dû carrément se convertir au christianisme pour devenir un pays moderne et occidental.
Livre au style ciselé. Écriture profonde, parfois ardue, mais puissante, Orhan Pamuk s’interroge sur l’échec de l’occidentalisation de la Turquie. Dans les années vingt, Mustafa Kemal Atatürk, le premier président de la Turquie en 1923, tenta par des réformes audacieuses de moderniser et d’occidentaliser la Turquie. Il fera adopter les codes vestimentaires européens, abandonnera l’alphabet arabe pour l’alphabet latin, rendra l’école obligatoire, mixte et laïque, obligera à la scolarisation des filles, réduira l’influence de l’islam sur la sphère publique, supprimera le califat, etc…
Un livre talentueux et prégnant..

Chene - Tours - 54 ans - 16 septembre 2015