Kairo
de Kiyoshi Kurosawa

critiqué par Darius, le 4 septembre 2003
(Bruxelles - - ans)


La note:  étoiles
les fantômes d'internet
Un roman sur la solitude de l'âme, une réflexion sur l'au-delà, l'après-mort, le néant et l'éternité à travers l'invasion planétaire de revenants. Ou comment des humains doivent combattre les morts revenus sur terre pour prendre leur place.
Vous l’aurez compris, c'est d'un roman fantastique dont il s’agit. L’auteur utilise Internet ou plutôt l’informatique qu’il ne maîtrise pas très bien pour nous livrer une oeuvre déroutante dont il tirera un film qui porte la même nom. N'est-il pas le cinéaste japonais le plus inventif de sa génération ? Ce livre est avant tout un livre de cinéaste, et d’un cinéaste qui aime les fantômes. Kurosawa Kiyoshi est un adepte de l'après-vie et du monde parallèle. Il faut bien reconnaître que ces crissements émis par l’ordinateur quand il se connecte à internet sont des plus intrigants...
Makoto, étudiant en informatique se rend compte que les étoiles de son ordinateur ne se conforment pas au programme qu'il a paramétré - elles exigent de demeurer, au lieu de disparaître progressivement, pour être remplacées par d’autres.
Elles sont les témoins visuels de ce qui est en train de se passer parmi les fantômes qui prétendent rejeter le néant et revenir à une forme de vie terrestre : ils avalent les humains pour substituer à la vie humaine une nouvelle forme de (non-) vie. Comme des hommes qui ne voudraient jamais mourir... Ryôsuke, l'ami de Makoto est sidéré par un discours auquel il ne comprend rien. Il rencontre Harue, férue d’informatique, dont il s’éprend et dont le comportement devient étrange à son tour.
D’autre part, Michi, une jeune fille solitaire s'inquiète de la disparition du responsable informatique de sa société, d'autant plus que son remplaçant disparaît à son tour. Elle se lie d’amitié avec une collègue, Junko, dont le comportement étrange lui fait craindre le pire.
L’angoisse de tous ces protagonistes, c’est de se rendre compte qu'il se passe quelque chose dans le royaume du Soleil Levant, et pourtant, ni la presse, ni la télé, ni les scientifiques n'en parlent. Ceux qui avaient commencé à bouger étaient guidés par le principe de l'eugénisme "pour qu'un seul homme puisse survivre le plus longtemps possible, tous les autres devaient se sacrifier"
Ce qui est frappant dans ce roman, c’est la solitude des personnages, tous vivent seuls, ont peu de contact avec l’extérieur, ne possèdent pas d’amis, ont des parents qui vivent loin de leur domicile. Alors, ils sont en proie à toutes les interrogations, à toutes les paranoïas, à toutes sortes d'angoisses.
Lorsque certains disparaissent, on a du mal à retrouver leur famille (non, ce n'est pas la France sous la canicule.. et pourtant !). Finalement, n’est-ce pas le message que veut nous communiquer l’auteur ? la solitude, l’indifférence, l’isolement, le cocon où l'on s’enferme lorsqu'on rentre chez soi et qu’on ferme les portes à double tour, en attendant le lendemain, tous phénomènes qui guettent notre société frileuse. Et le fait que l’auteur stigmatise Internet, n’est-il pas prémonitoire ? Et puis, j'oubliais, nous sommes au Japon, alors, il y a aussi les suicidés, comme Makoto, le féru d'informatique qui se suicide pour échapper à son destin .
Invasion maladroite 6 étoiles

Un collègue de travail intérimaire qui ne se rend plus au bureau et ne répond plus au téléphone. Michi se rend chez lui dans une lointaine banlieue de Tokyo pour récupérer la disquette client qu’il devait réaliser. Elle trouve la clé de son appartement sous un pot et entre et voit un écran scotché de ruban adhésif rouge. Son collègue, assis dans un fauteuil, les yeux dans le vague lui parle de façon anodine, puis disparaît brutalement. Elle repart et raconte l’histoire à la police, accompagnée d’une autre collègue.

Ryôsuke est étudiant en économie et se rend chez Makoto, originaire de la même ville, qui étudie la sociologie chez qui il rencontre Harue, passionnée d’informatique qui aide ce dernier et dont il tombe amoureux. Ryôsuke se met à internet et constate qu’il peut voir des gens dans leurs chambres par webcam interposée.

Les chapitres alternent les deux parcours et ces deux personnages principaux finiront par se rencontrer au terme d’une errance pour découvrir ce qui se passe et tenter de retrouver leurs proches.

L’écriture est distanciée, ce qui laisse monter un certain sentiment d’angoisse face à la situation d’envahissement qui s’épanouit progressivement. Le roman est quand même un peu daté quant à l’utilisation des ordinateurs.

IF-0312-3855

Isad - - - ans - 18 mars 2012