»A la porte se tenait un jeune homme inconnu. De taille moyenne, râblé sans être enveloppé, il avait une épaisse tignasse qui tirait sur le roux. Son visage respirait l’intelligence, sa bouche était volontaire, mais ses yeux étaient marqués de profonds cernes qui lui parurent assez étranges chez un aussi jeune homme. Il semblait engoncé dans son uniforme. On eût dit qu’il l’avait enfilé ce matin même pour la première fois. Manifestement gêné aux entournures, il tenait une enveloppe à la main.
- Que voulez-vous ? interrogea Marion.
- Je cherche Marion, répondit le jeune homme, son autre main sous le col de sa veste pour se gratter le cou.
- Vous débutez ? demanda Marion, qui connaissait la plupart de ses collègues de Reykjavik.
- Je viens de commencer à la circulation, répondit le jeune homme. Vous êtes peut-être … ?
Marion hocha la tête.
- J’ai un courrier pour vous, déclara l’agent en lui remettant l’enveloppe.
- Merci beaucoup. Comment vous appelez-vous ?
- Erlendur, répondit le jeune homme au visage triste. Je m’appelle Erlendur Sveinsson. »
Ce sont les toutes dernières lignes du Duel - et ne constitue en aucun cas une trahison de la fin de l’intrigue – qui introduisent ainsi LE personnage récurrent d’Arnaldur Indridason, le commissaire Erlendur Sveinsson. Le roman suivant (« Les nuits de Reykjavik ») qu’écrira Arnaldur Sveinsson développera d’ailleurs cette « naissance » de l’enquêteur au métier, toujours avec Marion Briem en arrière-plan, Marion Briem, son mentor. Pour autant notons que Le duel comme Les nuits de Reykjavik sont respectivement 10ème et 11ème opus de la série Erlendur.
Car la Marion dont il est question plus haut, personnage singulier s’il en est dans la Police criminelle de l’époque (nous sommes en 1972), c’est bien la Commissaire Marion Briem. C’est elle qui va être l’héroïne, l’enquêtrice principale de ce roman, qui se déroule à l’été 1972 à Reykjavik, pendant le Championnat du Monde d’échecs qui va opposer l’Américain Bobby Fischer au Russe Boris Spassky.
En fait, davantage qu’un polar c’est presque un roman d’espionnage que nous propose là Arnaldur Indridason. Un Arnaldur Indridason très sensible, comme on pourra le constater dans de nombreux romans suivants aux « guerres de l’ombre » que se livrent espions américains, anglais, russes sur le sol islandais au temps « béni » de la guerre froide.
Un jeune homme un peu attardé intellectuellement est assassiné dans un cinéma au moment où tout se met en place pour le duel d’échecs si médiatisé. L’enquête est menée par Marion Briem dans le Reykjavik de 1972, envahi par les reporters du monde entier venus assister au duel Spassky – Fischer. Au bilan nous en saurons plus sur l’atypique mentor d’Erlendur et sur ces parties d’échecs du siècle …
Tistou - - 68 ans - 21 septembre 2022 |