Bourdieu, savant et politique
de Jacques Bouveresse

critiqué par Elya, le 20 février 2014
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
Questionnements sur l'action politique et sociale des "intellectuels", philosophes et scientifiques
Ce livre regroupe des textes du philosophe Jacques Bouveresse, écrits pour des revues, des colloques, ou prononcés lors de conférences dans les années ayant suivi la mort du sociologue Pierre Bourdieu. Les deux hommes entretenaient des relations cordiales voire amicales et échangeaient sur de nombreux sujets, comme ce recueil l’atteste. Ils sont également tous deux intervenus au Collège de France (Bouveresse encore aujourd’hui d’ailleurs). L’ouvrage comprend aussi une intervention couplée de Bouveresse et Bourdieu, réalisée quelques années avant la mort de ce dernier. C’est l’éditeur, Agone, qui semble s’être chargé de rassembler ces différents documents.

S’il ne devait y en avoir un seul, le sujet de cet opuscule serait la « Responsabilité des intellectuels » (titre d’un livre, paru chez Agone également, de Noam Chomsky, personnalité souvent citée par Bouveresse). Peut-on conjuguer une activité de « savant », de scientifique, avec celle d’acteur social et politique ? Bourdieu était de cet avis, comme l’atteste un autre ouvrage d’Agone, Interventions politiques 1961-2001 de Pierre Bourdieu. Pour le sociologue, ce « surplus de connaissance » apporté par le cursus scientifique produit même un « effet de libération » et permet ainsi d’agir plus facilement dans le monde social. Jacques Bouveresse ne partage pas forcément cette conviction et explicitera en quoi sa position dénote avec celle de Bourdieu.

Les deux hommes partagent cependant les mêmes opinions sur différents sujets dont il sera ici question, parmi lesquels : l’influence nulle voire dangereuse des médias sur la vie culturelle, la nécessité de l’autonomie des intellectuels et scientifiques - sans que celle-ci ne repose pour autant sur « un amour désintéressé et exclusif de la vérité qui animerait intrinsèquement les chercheurs » - ou encore, l’hégémonie académique et médiatique dans le monde de la philosophie. Des sujets passionnants, traités précédemment ou contemporainement par d’autres auteurs auxquels Bouveresse n’hésite pas à renvoyer (Karl Kraus, Ludwig Wittgenstein, Jules Vuillemin, Michel Onfray…).