La queue du faisan frôle les pivoines
de Frank Deroche

critiqué par Lucien, le 17 juillet 2003
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Le haïku à toutes les sauces
J'avais été plutôt allergique au cocktail médicamenteux concocté par Franck Deroche dans son premier roman, « Effets secondaires ». Ce n’est pas le cas pour ce deuxième livre qui sortira en octobre 2003 aux éditions du Dilettante (l’auteur le présentera le 25 octobre aux rencontres littéraires de la Maison Losseau, à Mons).
C’est en effet un bon petit bouquin qui, sans susciter mon enthousiasme, a su éveiller mon intérêt.
D'abord grâce à une utilisation décalée du haïku. Nous sommes loin de « Neige » de Maxence Fermine, où le bref poème zen est source de poésie et de sagesse. Ici, c'est de dérision et de contre-emploi qu’il s'agit : le cadre oriental de l'intrigue permet à l'auteur d’articuler son bref récit autour d'une série de chapitres dont chacun reçoit un haïku en exergue : « Le cerisier sauvage agite ses feuilles », « Le lézard mort perd ses écailles », ou « La queue du faisan frôle les pivoines » qui donne son titre au roman.
Ensuite grâce à une intrigue bien construite : le jeune Shintâ est orphelin depuis le naufrage, dans les eaux scandinaves, d'un bateau où figuraient son père, sa mère et sa soeur. Seul au monde ? Non. Il lui reste la tante Taéko, la tutrice et l'initiatrice, bien que septuagénaire, de l'enfant de douze ans qui éprouve une attirance malsaine et puissante pour la vieille : « La chair de la vieille femme avait la mollesse du tofu, elle était tout en peau et en sexe. » Lorsque la tante Taéko disparaît à son tour dans un tsunami, Shintâ est vraiment seul. Quand le notaire, maître Muskuri, lui révèle qu’il devra partager l’héritage de la tante avec le docteur Hikari, Shintâ comprend que le destin est en marche.
Enfin grâce à ce poids du destin suspendu sur tout le livre : chronique d'un destin annoncé, attente de ce quelque chose qui doit venir, de ce tsunami qui engloutira Shintâ ou de cette cime qui le transcendera. Le secret est bien gardé, les fausses pistes savamment ourdies, mais le lecteur sent que quelque chose est caché derrière la porte.
Et c’est là que gît la déception : dans ce dénouement de comédie classique qui n’est pas à la hauteur de l’attente. Dans ce soufflé qui retombe. Dans ce mont Fuji qui part en eau de boudin. Dans ce tsunami métamorphosé en pet.
Refermant ce petit livre, le lecteur serait tenté d’exprimer son sentiment par un haïku, puisque l'auteur lui a montré la voie : « La chute du roman frôle l'insignifiant ».
Dommage…