Un bouquet de coquelicots
de Marianne Sluszny

critiqué par JulesRomans, le 7 janvier 2014
(Nantes - 65 ans)


La note:  étoiles
Des nouvelles du temps où les habitants de la Belgique s’appelaient entre eux les Belges
Voici sept nouvelles qui évoquent la façon dont les Belges militaires ou civils vécurent la Grande Guerre. Rappelons à ce propos que 95% du royaume est occupé pendant presque toute la guerre et si la Belgique n’est pas la première à être envahie (le Luxembourg l’est un jour avant), elle est l’état qui voit les premiers combats sur son sol.

En sept nouvelles, appuyées sur une solide documentation historique qui débouchera également sur la diffusion à l’automne 2014 d’une série de ses films documentaires autour de la Première mondiale par la RTBF, l’auteur nous dresse des portraits de personnes de l’époque qui sont elles-mêmes les narratrices (ou les narrateurs) de leurs tribulations entre août 1914 et novembre 1918.

Le premier est le soldat inconnu belge, ce qui nous donne lieu en particulier des conditions du choix de son cercueil en novembre 1922, il était décédé le 12 février 1915 et étai natif d’Andenne ville-martyre de la province de Namur (le 83e RI de l'armée impériale allemande s’y étant livré à un massacre de civils, sous prétexte de la présence de francs-tireurs).

Le second personnage est un pianiste bruxellois qui gagne à la guerre une des qualités de Beethoven dont il se serait bien passé à savoir la surdité. Le troisième est un chien menacé de mort par les autorités allemandes comme ses congénères, puis enfermé dans un chenil par la grâce accordée à ces derniers, il part en Gaume où sa vie héroïque au service de l’espionnage allié se terminera bien mal. La troisième, également Bruxelloise, a nous raconter sa guerre est une femme que les rigueurs du temps obligent à se prostituer auprès des Allemands, le mois de novembre 1918 ne sera pas pour elle un souvenir heureux.

Le témoin suivant est né dans un village de Flandre-occidentale, il est un des modestes acteurs de la bataille de l’Yser, ce qui permet de rappeler que des centaines de tombes de soldats belges portent en flamand l’inscription :

« Tour pour la Flandre et la Flandre pour le Christ »

Les deux autres récits, que nous laisserons découvrir complètent ce tableau expressionniste des Belges face à la Première Guerre mondiale. Lorsque la fiction permet de sensibiliser aussi bien à l'histoire que celle-ci, elle trouve immédiatement sa place dans l'histoire culturelle des représentations de la Première Guerre mondiale.

Au sujet du titre, rappelons l’existence du poème "In Flanders fields" du Lieutenant-Colonel John McCrae qui se termine ainsi :

« Il vous appartiendra de tenir la torche élevée
Si vous brisez la foi qui avec nous se meurt
Nous ne dormirons pas, pourtant les coquelicots poussent
Dans les champs de Flandres »

Marianne Sluszny fait dire par ailleurs à son premier personnage :

« J’ai cru m’évanouir à la vue des champs de coquelicots, ses fleurs d’un rouge carmin au cœur noir dont la vie est aussi éphémère que l’existence de l’homme ».