Une autre époque
de Alain Claude Sulzer

critiqué par TRIEB, le 29 novembre 2013
(BOULOGNE-BILLANCOURT - 72 ans)


La note:  étoiles
LE TEMPS DE LA DISSIMULATION
Le narrateur de ce roman est fasciné par la photographie de son père, de ce père dont on lui dit qu’il s’est suicidé, à sa naissance. Pour en avoir le cœur net, il examine de plus près cette photographie et y découvre, mentionnée sur le verso, une adresse : André Gros –Atelier de photographie. 53 rue Blanche, Paris 9e

Intrigué, le narrateur mène sa propre investigation, retrouve cet André Gros, qui lui dévoilera, très progressivement, très graduellement les liens qu’il a pu entretenir avec son père: des liens inavouables, frappés à l’époque de la honte sociale, de la stigmatisation la plus sévère : les liens de l’homosexualité. Dans les entretiens que le narrateur obtient avec André, ce dernier lui fait entrevoir toutes les souffrances qui ont alors meurtri son père Emil Hott: la honte, la nécessité de se cacher, les nombreux séjours en clinique pour corriger cette anomalie, cette maladie: l’amour d’un individu pour un être du même sexe que lui.

Le roman de Sulzer aborde ce thème, comme une sorte de mise au point très grossissante effectué par un zoom très puissant. On y découvre le sujet, Emil Hott, le père du narrateur, inclus dans la société de naguère, celle des années cinquante qui ne laissait guère de place, c’est le moins que l’on puisse dire, aux thèmes de société et à la libre exposition de ses orientations sexuelles.
Le roman est pudique, André Gros y suggère même un moyen de supporter le regard des autres : « Je n’étais pas un modèle pour ton père. Je ne crois pas aux modèles. Il ne pouvait pas croire que mon mode de vie était moins pénible que le sien. Moi, tout ce que je peux faire, c’est dire que ça va, je ne peux convaincre personne. On peut rester indifférent à beaucoup de choses, surtout au regard des autres. Il faut juste éviter de se faire pousser hors des rails. Moi, j’y suis parvenu. Je crois que j’y suis parvenu. Pas ton père. »