L'épouse hollandaise
de Eric McCormack

critiqué par Paofaia, le 14 novembre 2013
(Moorea - - ans)


La note:  étoiles
Dans la famille Vanderlinden, je demande..
Aimable lecteur : J'aimerais te raconter un incident qui date d'il y a dix ans. J'étais en visite chez un vieil ami qui dirigeait un centre médical de l'ONU dans une bourgade du sud-ouest de la côte équatoriale de San Lorenzo. Un matin, nous étions allés de bonne heure au marché. L'étal de fruits le plus animé était tenu par un grand gaillard au torse nu. Il avait au ventre une brindille de quelques centimètres de long fixée on ne savait trop comment. Tout en discutant de la fraîcheur des cantaloups et des oranges avec mon ami, il portait de temps à autre les doigts à la brindille. Il la tournait lentement comme s'il remontait une montre.
Nous avons fait notre choix de fruits mûrs pour le petit déjeuner. Sur le chemin du retour, j'ai parlé à mon ami de la brindille que le marchand avait au ventre.
-Son quoi?
- C'est un parasite qu'il a dans le corps, m'a répondu mon ami. Un ver - un ver de Guinée. Avant, il n'y en avait qu'en Afrique, sur la côte de Guinée, d'où leur nom. Aujourd'hui, on en trouve d'un bout à l'autre des tropiques, dans l'eau de consommation courante non purifiée. Ils grandissent à l'intérieur de leur victime jusqu'à atteindre un mètre vingt, environ. Parfois, ils leur transpercent la peau et pointent la tête dehors. Si on réussit à les enrouler autour d'une brindille, ils ne peuvent plus se retirer. Mais il faut de la patience. À chaque fois que la tension se relâche, il faut tourner un petit peu, puis encore un petit peu. C'est le même principe que pour remonter un poisson avec une ligne qui n'est pas très solide. Si on tire trop fort, le ver se casse et c'est fichu. Il rentre à l'intérieur et continue à grandir. On peut mettre des semaines voire des années à l'extraire. Il arrive qu'au moment même où un ver est presque sorti, un autre montre le bout de son nez. Il y a des gens qui passent toute leur vie à essayer de s'en débarrasser.


Alors, vous, je ne sais pas. Mais moi, si un roman commence par "aimable lecteur", déjà, j'aime bien. C'est vrai, c'est gentil!!!
Si ça continue par ce genre d'histoire, j'aime encore mieux..
Et ce n'est qu'un début. Nous parle un écrivain qui vient d'emménager dans une nouvelle maison, et son voisin est un certain Thomas Vanderlinden qui va lui raconter l'histoire de sa famille. De sa mère Rachel Vanderlinden, et de ses pères, les deux Rowland Vanderlinden. Parce que oui, il y en a deux. Pourquoi? Ah, ça..
Et comment lui, le fils, a été obligé d'aller rechercher un des deux dans une île perdue du Pacifique , pour que sa mère le revoie avant sa mort, et puisse lui demander qui était l'autre Rowland. Et non, elle ne le savait pas...
Je ne suis pas certaine non plus qu'elle savait ce qu'était exactement une " épouse hollandaise"!
Bien sûr, ça ne se raconte pas. Mais une fois plongé dedans, ça se dévore..
Quelle aventure 8 étoiles

L'épouse hollandaise (je vous laisse le soin de découvrir la signification du titre) conjugue à la fois le roman intimiste au roman d’aventures exotiques, mais qui n’a pas oublié au passage les mystères de la vie, la cocasserie, le surréalisme et l’originalité loufoque de certaines aventures de cet anthropologue décidément pas comme les autres. La quatrième de couverture parle d’une étrange épopée vibrante d’échos de Conrad et de Borges et effectivement, il y a de cela. Un petit bémol tout de même, quand les aventures de Rowland Vanderlinden prennent le pas sur le récit, donnant la sensation de s’éparpiller un peu au milieu du roman. Mais cela n’enlève rien à ce récit original et bien agréable à lire.

Sentinelle - Bruxelles - 54 ans - 17 septembre 2014