Le répit
de Hélène Lenoir

critiqué par Lucien, le 2 juin 2003
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Un coup de scalpel dans les blessures du couple.
A lire le dernier roman d'Hélène Lenoir, on songe au sujet du « chat » de Simenon : un vieux couple qui se déchire. Enfin, vieux… peut-être un peu moins que dans « Le chat » : la cinquantaine. Depuis trois ans, Véra et lui font chambre à part. Elle s’est installé un petit nid dans la chambre du fils, Ludo, marié en Finlande. Une chambre dont, chaque soir, elle ferme la porte à clé. Elle, petite et musclée, s'occupe activement de sa municipalité. Elle voyage. Lui travaille. Lui attend la retraite avec ses cent six kilos et ces mots en travers de la gorge, et ce désir en travers du ventre. Et puis elle part en Finlande. Quinze jours chez le fils. En principe. Et puis c'est le coup de fil du fils & qui ouvre le livre : malaise cardiaque. Infarctus, peut-être. Il faut opérer. Il doit venir. Lui qui n'aime pas les voyages. Lui qui ne supporte pas l'avion. Deux jours de train, puis le ferry. Qu'est-ce qu'elle a encore été chercher pour l'embêter ! Mais il ne peut pas ne pas partir. Il part. Et c’est le long voyage en train (tiens, un autre Simenon.), le long voyage face à face avec cette femme montée à Liège avec son grand parapluie protecteur et sa lourde poitrine tentatrice. Et une conversation qui s'ébauche, dans un anglais maladroit. Et les confidences qui s’amorcent. Et les malentendus adolescents. Et la comparaison entre cette femme désirable par défaut et l’autre, « Véra », la vraie…
Une intigue banale, un sujet quotidien mais exploré avec le scalpel d’une sensibilité qui fouille les blessures d’un couple en insistant là où ça fait mal. Un récit resserré, court roman ou longue nouvelle où nous plongeons au cÏur d’un homme vieillissant dans un train qui l’emmène vers une femme, comme dans « La modification » de Michel Butor dont l'écriture d’Hélène Lenoir évoque un peu (« Minuit » oblige.) les longues phrases qui s'enroulent sur elles-mêmes (on remarquera l’affection de la romancière pour ces participes présents qui étirent la phrase, la freinent, dilatent l'action en fréquents arrêts sur image), ces phrases serpentines qui nous prennent à la gorge, peu à peu, jusqu'à cette dernière page où elle se noue vraiment, la gorge, tandis que rien ne se dénoue, là-bas, si loin, à Helsinki, dans cette chambre d'hôpital où il n'est pas encore arrivé, lui, dans cette chambre où quelque chose attend qui ressemble à de l'espoir…