Ode maritime
de Fernando Pessoa

critiqué par Provisette1, le 9 novembre 2013
( - 11 ans)


La note:  étoiles
Hissons les voiles, larguons les maux! "A la mer, à la mer, à la mer...Ma vie!"
Avec toi, poète, et avec eux aussi, vous tous fous des mers, des horizons, vous, marins, pirates et corsaires...

"Je veux partir avec vous, je veux partir avec vous,
En même temps avec vous tous
Partout où vous êtes allés!
............................................
Sentir sur mon visage les vents qui ont ridé les vôtres,
Recracher de mes lèvres le sel des mers qui ont embrassé les vôtres,
................................................
Comme vous arriver, enfin, en des ports extraordinaires!
Fuir avec vous la civilisation!
................................................
Partir avec vous, me défaire de moi- ah, fous le camp, fous le camp d' ici!-
De mon habit de civilisé, de mes façons doucereuses,
De ma peur innée des prisons,
De ma vie pacifique,
De ma vie assise, statique, réglée et corrigée!
.....................................................
A la mer, a la mer, à la mer, à la mer,
Eh! jeter à la mer, au vent, aux vagues,
Ma vie!
......................................................."

Et nous embarquons avec Alvaro... Fernando sur le vaste océan fou de tous les possibles!
Vers ces "volcans" de feu, ces outrances fantasmées, ces "hautes mers" de libertés et de jouissances!

Il est un et pluriel,
Nous sommes lui et tout ses autres,
Il est "puissant...,contradictoire",

...et avec Alvaro et avec Fernando, nous continuerons à les regarder passer ces "lent(s) vapeur(s)..."Dans le silence bouleversé de mon ( notre) âme....

Des millions d'Etoiles pour Fernando!
Les transferts de Pessoa 8 étoiles

En signant Alvaro de Campos (un de ses "hétéronymes") Fernando Pessoa, créé son texte poétique majeur : l’ "Ode Maritime". L’œuvre est republiée dans une nouvelle traduction de Nicolas Pesle. S’y retrouve le désir d’écart et de contemplation du poète : « Seul, sur le quai désert, en ce matin d’été,/ Je regarde du côté de la barre, je regarde l’Indéfini ».

Face à un bateau qui accoste il « s’éveille la vie maritime ». Et le poète d’ajouter : « mon âme est avec ce que je vois le moins, / Avec le paquebot qui entre, / Parce qu’il est avec la Distance, avec le Matin, / Avec le sens maritime de cette Heure, / Avec la douceur douloureuse qui monte en moi comme une nausée, / Comme un début de mal de mer, mais dans l’esprit ». S'écrit non pas "un" poème mais celui qui traverse et dépasse l'homme troué en un noyau de "transpoésie" inconnue. Car il faut à l'homme troué qui ne nie pas le monde une autre connaissance que celle de la science.

C’est donc grâce au double d’Alvaro de Campos, ingénieur naval formé à Glasgow, de culture britannique, qu’il investit sa passion de l’océan sous les merveilleux nuages. Pessoa prouve que l'homme est né pour extraire des yeux fermés de la matière un invisible regard que celle-ci ne peut approcher que de loin et à la suite de la poésie alchimique qui l'anticipe toujours. Son poème mêle l’effusion lyrique jusqu’aux cris frénétiques avant que tout finisse en une sorte de murmure. L’imagination orphique de l’océan bat son plein dans l’effacement de toute description ou notation précise. Le monde maritime est évoqué plus que montré.

A l’élément aquatique fait place un espace d’ouverture propre à renverser le monde dans ce qui devient absence et présence. Le poète désarticule l'océan avec un regard en dedans. Double regard même pour ramasser les insectes de sa pensée qui volent sur la mer selon une transmission sans courroie.

Jean-Paul Gavard-Perret

JPGP - - 77 ans - 14 février 2023


Quel transport ! 10 étoiles

Que n'ai-je appris le Portugais pour apprécier plus encore ce poème envoûtant !

Alvaro de Campos regarde les bateaux aller et venir, et s'invente un voyage, autant physique que spirituel, qui transporte le lecteur dans une grande frénésie.
Lyrique à souhait, intense, profond, ce voyage fait vibrer et partager les émotions de l'auteur, son regard, sa folie, ses pensées.

Je l'ai lu en français, bien sûr, mais l'édition bilingue m'a tentée et j'ai relu en langue d'origine, où j'ai constaté que c'était encore mieux, d'une grande musicalité !

Nathafi - SAINT-SOUPLET - 57 ans - 11 novembre 2015