Croque-Dead Inc.
de Julien Béliveau

critiqué par Libris québécis, le 26 mai 2003
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
La Cupidité des multinationales
L'auteur, un gestionnaire d'entreprise, avait le matériel nécessaire pour concocter ce roman rocambolesque, inspiré de l'exemple de la société de frais funéraires Loewen de Vancouver, ville canadienne sise sur la côte du Pacifique.
Le héros, un bon Gaspésien d'origine irlandaise, étudie le droit à Montréal. Pour défrayer ses études, il se fait embaucher par le propriétaire d'une entrepise de pompes funèbres. Ce travail suscite sa convoitise. Dans un premier volet, on assiste à son ascension sociale alors qu'il devient l'acquéreur de cette entreprise familiale, appartenant à un natif de la Gaspésie comme lui, région du Québec côtoyant l'Atlantique. Les aspirations de Fredrik McMurtry, le héros, sont sans bornes. Il recourt à des magouilles inqualifiables pour atteindre son objectif. Sa stratégie porte fruits jusqu'au jour où il trouve sur son chemin la mère de son amante, la femme de l'ancien propriétaire décédé.
Elle met à jour la malversation dont elle a été victime de la part de McMurtry. Jointe à celle d'un Cajun, fraudé par ce même magouilleur, on décide de poursuivre la multinationale dirigée par le héros. Ce second volet emmène le lecteur en Louisiane, où se tiendra le procès par lequel on espère récupérer les sommes détournées en faveur de McMurtry. Affronter une communauté tissée serrée, même avec les meilleurs avocats de New York, c'est courir à sa perte. Il faut savoir que la Louisiane, ancienne colonie française, a été formée surtout par des Acadiens, groupe francophone vivant le long de l'Atlantique et déporté par les Anglais en 1755. On retrouve donc encore des descendants que l'on appelle des Cajuns, une déformation du mot Acadien. Le roman nous fait découvrir cet état avec ses bayous (affluents marécageux du Mississipi) infestés d'alligators, dont l'un d'eux, surnommé Croque-Dead, a la mission de dénouer l'intrigue.
Le comportement des multinationales est un sujet intéressant d'autant plus qu'il est campé dans un milieu moins connu des .tats-Unis. L'auteur a bien évoqué cet état. Le procès est également rendu en contournant l'ennui qui se dégage habituellement d'une telle lecture. Les amateurs de droits et de justice y trouveront aussi leur compte. De plus, le roman s'articule parfaitement autour de ce qu'il veut illustrer. Par contre, j'ai trouvé agaçant tous les renvois au bas de pages. Il ne s'agit pas de points pour préciser le droit américain mais des relations de l'auteur avec son éditeur. Ce procédé humoristique dans l'esprit de l'auteur rate son objectif. L'humour distillé rappelle trop celui des adolescents attardés qui découvrent leur sexualité ou celui des gens cupides. Il se sert mal aussi de ses renvois pour marquer les difficultés de la traduction de l'anglais. Ce serait intéressant si l'auteur ne s'était pas limité aux idiotismes comptant les mots fuck et shit employés souvent par nos voisins du Sud. Julien Béliveau s'est amusé en écrivant cette histoire, mais son lectorat en éprouvera-t-il du plaisir ?
Si ce n'était de cet élément estudiantin, le roman serait très défendable. Le sujet est bien choisi, le cadre est bien trouvé, l'intrigue est bien nouée, l'écriture est vive, mais il n'a pu éviter les pièges du ludisme littéraire. L'auteur manie mal cette arme même si on certifie le contraire sur la page couverture. Mais il n'a pas raté son coup sur toute la ligne. Il y a des passages hilarants. Comme roman d'été, vous vous amuserez de voir que l'amante renverse un seau à glace sur la tête de son fiancé, que le juge dort pendant le procès, que l'avocat facture son client au moyen d'une calculatrice électronique... L'humour est comparable à celui des films comiques américains. Si vous aimez, ça va.