La bataille de la Marne
de Patrick Deschamps

critiqué par JulesRomans, le 25 décembre 2013
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
La Marne tire son nom d’une fée (Morgane), la Bataille de la Marne tire vers des faits historiques
Voici un album qui en apprendra bien plus et de manière plus sure (tant par l’historicité du propos que de ce qu’en retiendra le lecteur) que nombre de livres d’historiens autour de la Première bataille de la Marne, celle d’août-septembre 1914.

Voir consacrer sept pages à expliquer comment depuis 1911 la France et l’Allemagne ont pu être rivale dans le domaine colonial (Maroc et Cameroun), comment et quels hommes les ont préparés à la guerre, est une heureuse surprise. Le récit fait l’impasse sur Sarajevo et les allers-retours diplomatiques mais on ne peut reprocher cela à un récit centré sur l’histoire d’une bataille.

Par contre est bienvenu de montrer les Français pénétrant en Alsace début août et les Russes défaits à Tannenberg alors que des troupes allemandes avaient été enlevées du front occidental pour les envoyer à l’est.

Suivent ensuite les détails de ce qui se passe depuis Nancy jusqu’à la Mer du Nord entre le 15 août et le 10 septembre ; on passe alternativement du point de vue français (ponctuellement anglais) à celui allemand et cela permet de mieux comprendre l’évolution des choses. Cela permet d’expliquer combien l’armée allemande est sure d’elle après l’hécatombe subie par les Français dans la province belge du Luxembourg, quelles erreurs commettent les armées allemandes, les fautes de Joffre et qui sont les véritables vainqueurs de la bataille de la Marne.

Ce sont Castelnau, Messimy, Gallienni et Lanrezac. Ce dernier a pris seul la décision, contraire aux ordres de Joffre, de faire reculer son armée ; s’il ne l’avait pas fait elle était encerclée près de Charleroi, cela lui permet ensuite de battre les Allemands à Guise dans l’Aisne. Il contribue ainsi indirectement à la victoire de la bataille de la Marne, quelques jours plus tard. Lanrezac est limogé par Joffre le 3 septembre 1914 de son poste de commandant de la Ve armée, et il est remplacé par Franchet d'Esperey ; le texte ne le dit pas et c’est dommage.

On note des officiers partant à l'assaut en gants blancs à la page 18 à la page 33 Pétain, le texte précise qu'il avait fait précéder cette attaque d'une longue préparation d'artillerie mais ne mentionne pas qu'il agit sur la commune de Montceaux-lès-Provins (à la limite de la Seine-et-Marne et de la Marne). Au sujet de la légende du casoar et des gants blancs, Wikipedia nous apprend que Jean Allard-Méeus est membre de l'Action française et qu’il est selon la légende celui qui incita les nouveaux saint-cyriens qui l'entouraient à prêter le serment de monter aux tout prochains combats, "en casoar et gants blancs". Le général Humbert , major de la promotion de Montmirail, à laquelle appartenait Allard-Méeus, indiquera bien après-guerre que cette anecdote a été inventée (ajoutons personnellement que Maurice Barrès la popularisa largement), d’ailleurs à l’insu même de Jean Allard-Méeus mort pour la France fin août 1914. Les taxis de la Marne sont traités en trois cases, ce qui correspond bien à leur intérêt réel dans l'obtention de la victoire.

On relève dans la vignette finale un hommage aux instituteurs de la IIIe république pour leur enseignement du patriotisme ; on peut rajouter que c’est la catégorie professionnelle qui eut le pourcentage le plus élevé de morts par rapport à ses mobilisés. L'illustrateur Guillaume Berteloot a beaucoup travaillé dans la BD historique didactique et il a acquis une grande maîtrise pour rendre l'atmosphère d'une époque et d'un lieu.