Terminé
de Étienne Roda-Gil

critiqué par Kinbote, le 30 avril 2003
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Trop sec!
Bart est quitté par Lucile, son épouse depuis des décennies. Il se replie sur ses amis. S'ensuivent des dialogues percutants qui résonnent cependant comme des bruits orphelins dans une maison vide. Avec rien pour les absorber.
Densité, concision du style :Roda-Gil sait écrire, on le savait. Style qui fait parfois penser à du Sollers, mais sans l’ouverture à la grande nature, sans le recours à la chair, sans donc le sensuel.
Ce livre ressemble à une démonstration de force verbale, un étalage de bons sentiments ultra-gauchistes, avec une foule d’apartés adressés aux seuls lecteurs au fait de la situation géo-stratégique mondiale ou politique française (on comprend que Roda-Gil stigmatise la gauche plurielle pragmatique du gouvernement Jospin) . Livre sec, télégraphique malgré que le héros s’abîme dans l'alcool avant de s'abîmer, terminaison fatale, dans le vide.
Ce qu’on comprend bien, c’est que Lucile a pu quitter Bart. Ce qu’on comprend moins, c'est pourquoi Lucile ne l'a pas quitté plus tôt. En ce sens, c’est une demi réussite.
Au-delà de l'attaque un peu facile, il faut convenir qu’il y a quelque chose de poignant, d’héroïque même dans cet entêtement de Bart à continuer à vivre comme il a toujours vécu, en allant cette fois droit dans le mur. Mais n'est-ce pas là le destin de tout militant de gauche confronté aujourd’hui à une réalité politique qui n’a pu embrasser leurs utopies. Une métaphore sentimentale du parcours d'un type comme Beregovoy, ce livre ? Possible ! Il faut ajouter que Lucile se barre avec un vieil ami de Bart devenu ministre.
Quelques superbes phrases à sauver :
« Toutes les femmes s’excusent des yeux en enlevant leur soutien-gorge, même celles qui font apparaître des splendeurs. » « La dentelle noire mord la pâleur d’une peau un peu rousse qui n'a pas vu le soleil depuis longtemps. » Et cet alexandrin parfait : « Bart qui allait sombrer voulait que Mary danse.»
On lira volontiers les précédents romans de Roda-Gil ou, plus sûrement, on réécoutera ses paroles de chansons, notamment celles qu’il a écrites pour l’album de ses retrouvailles avec Julien Clerc : « Utile ».