Les Identités meurtrières
de Amin Maalouf

critiqué par Macréon, le 21 avril 2003
(la hulpe - 90 ans)


La note:  étoiles
Une ouverture sur l'ouverture
Amin Maalouf est un écrivain libanais de langue française , catholique grec-melkite par sa mère , protestant par son père.Né en 1949, il vit en France depuis 1976. Il fut rédacteur en chef de Jeune Afrique et obtint le Goncourt en 1993, pour Le rocher de Tanios.
Il affirme et répète que nous sommes d’influences multiples, que notre identité est composite et que cela va s’accélérer avec la mondialisation. Mondialisation qui progresse notamment grâce à la puissance des médias, ces porte-voix qui ne font qu'amplifier l’opinion dominante du moment, au point de rendre inaudible tout autre son de cloche.
Et pourtant, nous ne sommes pas à l’ère des masses, mais à l'ère des individus. Il n'est pas vrai, nous dit l’auteur, que ce monde soit dirigé par des forces obscures, omnipotentes. La mondialisation n’est pas l’instrument d'un "ordre nouveau" , c’est une immense arène aux mille joutes. Internet, par exemple, vu de l'intérieur, est un formidable outil de liberté, un espace raisonnablement égalitaire dont chacun peut se servir à sa guise et au sein duquel quatre étudiants astucieux peuvent exercer autant d’influence qu'un chef d'Etat ou une compagnie pétrolière. “Et si la prédominance de l'anglais y est écrasante, la diversité des langues s’y épanouit chaque jour un peu plus, favorisées par certaines inventions en matière de traduction courante - inventions encore balbutiantes, encore indigentes, et qui produisent parfois un effet hilarant: mais qui n’en sont pas moins prometteuses pour l’avenir."
Identités meurtrières :au bout de quelques pages, on comprend vite le sens du titre du livre "Il faut lutter contre ceux qui veulent figer, fixer les identités dans le monde entier. C'est un facteur qui favorise les haines suivies de massacres. Je rêve d'un monde où l’homme, tout en restant attaché à ses croyances, ne ressentirait pas le besoin de s’enrôler dans la cohorte de ses coreligionnaires. Nous sommes des êtres tissés de fils de toutes les couleurs. " Dans les temps qui viennent, il nous faudra compter de plus en plus sur ces personnalités "frontalières" qui ne sont pas à fond pour l'un ou l'autre camp, qu'elles soient le lien et le facteur d'apaisement, par exemple les Turcs et les Kurdes, les Blancs et les Noirs dans les pays où c’est encore nécessaire, aujourd'hui nous dirions les chiites et les sunnites ou les Palestiniens et les Israéliens.
Les rapports entre le christianisme et l’Islam font l'objet de pages très pénétrantes. " Pas besoin de s’interroger sur ce que dit vraiment le christianisme, l’Islam ou le marxisme. Il faut s'interroger, au cours de l’histoire, sur les comportements de ceux qui s’en réclament." Pour Amin Maalouf, l’Islam était tolérant à une époque où les sociétés chrétiennes ne toléraient rien. Peu à peu, le christianisme s’est mué en religion d’ouverture ; ce phénomène s'est produit très tardivement. L'Islam a porté d'immenses potentialités de coexistence et d’interaction fécondes avec les autres cultures, mais l’histoire récente montre qu’une régression est possible et on a pu assister à des dérives vers des comportements intolérants et totalitaires. Et l'auteur de se poser la question : pourquoi ce processus inversé ? Chaque fois que l'Islam s'est senti en confiance, la société musulmane a su pratiquer l’ouverture.
Comme toute autre religion et toute autre doctrine, l'Islam porte à chaque époque les empreintes du temps et du lieu. C’est un des thèmes favoris de l’auteur.
Le christianisme s’étant montré finalement capable de se moderniser, l'auteur se dit persuadé qu'il en sera de même pour l'Islam.
Que de développements intéressants et profonds sur tant de sujets.
Dans une langue claire et simple, à mille lieues des élucubrations pseudo-philosophiques encensées dans certaines chapelles. Par exemple que les pires calamités du XXe siècle en matière de despotisme, de persécution, d'anéantissement de toute liberté ou de toute dignité humaine ne sont pas imputables au fanatisme religieux, mais à des fanatismes tout autres qui se posaient en pourfendeurs de la religion: c'est le cas du stalinisme, du nazisme ou de quelques autres doctrines nationalistes. Et pourtant, toutes les doctrines peuvent déraper, elles ont du sang sur les mains, le communisme,donc, le libéralisme, le nationalisme, chacune des grandes religions et même la laïcité ( p. 62)
On sait aujourd'hui que l'Histoire ne suit jamais le même chemin qu’on lui trace. " L’Histoire avance à chaque instant, sur une infinité de chemins." L’époque actuelle se passe sous le double signe de l'harmonisation et de la dissonance. La conception tribale de l'identité prévaut encore dans le monde entier. Les massacres s'éternisent.
"Criminels, ils ne peuvent pas l'être, jurent-ils, puisqu’ils cherchent seulement à protéger leur vieille mère, leurs frères et soeurs et leurs enfants."
Des pages splendides, nimbées d'espérance, écrites en 1998 par un fanatique de la paix.
Intéressant mais décevant. 5 étoiles

J'ai été profondément touché en lisant la 4e de couverture. En tant que fils d'immigré, je ressens personnellement ce conflit identitaire intérieur. Le livre commence avec la notion d'identité à l'échelle individuelle, mais l'auteur se dirige ensuite vers une vision mondiale. Il s'attarde sur l'histoire, les enjeux politiques internationaux, et nous dresse un bilan de l'état du monde aujourd'hui. Des thèmes très intéressants mais qui s'éloignent de ce à quoi je m'attendais. L'auteur se répète beaucoup, étale ses idées sur des pages et des pages de branlette intellectuelle (excusez-moi du terme), si bien qu'au final, ce qu'on retire du livre est assez pauvre.

JoshWB - - 34 ans - 13 janvier 2016


Je pense qu’il aurait été plus judicieux pour l’auteur de ranger sa plume ou bien de l’étaler complètement 3 étoiles

Amine Maalouf nous livre , dans un style simple et très accessible, sa vision du monde d’aujourd’hui ainsi que des projections sur l’avenir de l’humanité.
 Ce livre est composé de deux parties distinctes et très complémentaires. Si la première aborde la notion identitaire et les sentiments d’appartenance à l’échelle de l’individu , la seconde partie se veut, quant à elle, plus globale , ainsi traite-t-elle de concepts tels que la mondialisation, l’universalité, l’uniformité, et des sentiments d’appartenance collectifs. 
Nul ne peut douter que le cheminement des idées présentées dans cet ouvrage reste, dans sa globalité neutre et assez objectif (mis à part quelques réflexions non fondées que je citerai plus tard), je garde, cependant, le sentiment que l’approche empruntée par l’auteur demeure superficielle, très prudente, et laisse un goût d’inachevé.

Rguigsaad - - 36 ans - 30 septembre 2013


La diversité de l'autre et la sienne. 7 étoiles

L'essai d'Amin Maalouf a plusieurs points positifs à relever. Premièrement, il attire notre attention sur de nombreux problèmes de ce siècle, surtout sur la notion d'identité qui est en train de changer, qu'on doit empêcher de mal changer.
Ensuite, sur les autres soucis qui en découlent, sur les autres questions. Celles des cohabitations religieuses, celles de la modernité apportée par l'Occident, celles de la Mondialisation qui peut tout aussi bien causer notre perte que notre salut.
Des interrogations qui concernent notre époque troublée, où le changement va tellement vite que les peuples n'ont plus le temps de s'y adapter.

J'ai beaucoup apprécié le principe même de cet écrit où, dans une langue simple et accessible à tous, Maalouf amorce des débuts de réflexions sur des questions essentielles pour chaque individu vivant dans le monde d'aujourd'hui.
Plusieurs éclaircissements sont également les bienvenus, notamment sur l'Histoire des religions, qu'elle soit musulmane ou chrétienne, sur la peur des autres peuples d'accepter la Modernité d'une autre culture (qui est un point important, souvent peu relevé), sur les enjeux identitaires de la Mondialisation, sur la diversité identitaire de chacun d'entre nous.

Cependant, je ne suis pas toujours d'accord avec Maalouf. Parfois, son argumentation est plus faible. Si j'adhère avec l'idée qu'il veut dégager, je ne le suis pas toujours avec sa manière d'argumenter, de la présenter. Par exemple, lorsqu'il décide de ne pas argumenter le contenu du Christianisme ou de l'Islam mais seulement de se concentrer sur leur Histoire respective, je ne peux m'empêcher de hausser un sourcil perplexe. Après tout, pour accepter la pensée de l'autre, ne faut-il pas la comprendre ? Et puis, accorder à l'Histoire la confiance de nous montrer en quoi une religion, une doctrine, un mouvement de pensée peut être tolérant ou non me semble risqué, dans la mesure où les hommes sont excellents dans l'art de mal interpréter les écrits, les notions. Et puis, étudier la pensée, la doctrine, la religion de l'autre, permet toujours de mieux le comprendre, de voir les divergences mais aussi et surtout, les points communs.

Soit, ce sont ces petits détails de son argumentation qui me laissent, personnellement, en désaccord.
Néanmoins, le message global est admirable, essentiel même pour ce siècle. C'est un appel à la paix, à la compréhension de l'identité de l'autre mais aussi de la sienne. J'espère, tout comme lui, qu'une époque viendra où dire ces choses ne sera plus nécessaire.

Felicity11 - Bruxelles - 31 ans - 5 mars 2011


Livre que j'ai vraiment apprécié 10 étoiles

J'ai dû lire ce livre à l'école. Et c'était vraiment une bonne idée! Je l'ai lu deux fois et j'ai adoré. J'aime la façon dont cet auteur écrit. On reste captivé. J'ai vraiment bien accroché. Un grand bravo!!!!!!

Lalie2548 - - 38 ans - 12 juin 2010


Ennuyant 4 étoiles

J'ai lu ce livre pour mon cours d'anthropologie, et c'est peut-être le fait que je ne l'ai pas acheté pour mon plaisir et que je ne l'ai pas aimé...

A vrai, le livre est fort répétitif et m'a ennuyé... et je ne suis pas toujours d'accord avec l'auteur... J'aurais voulu qu'il cherche plus à trouver une solution pour le présent que pour un futur selon les circonstances et celles d'un passé qui est derrière nous...

Bon livre pour les racistes et xénophobes? je ne pense pas... au contraire je crois que ça va renforcer leur idée... Quand on dit il faut respecter les coutumes des autochtones pour se faire respecter, je suis d'accord... Et j'aurais précisé que ce n'est pas en construisant des mosquées à tous les coins des grandes villes que cela va y amener... En contrepartie, je suis curieuse de voir si les occidentaux arrivaient dans tous les pays musulmans en tant qu'immigrés et s'ils construisaient des églises un peu partout de voir la réaction de ceux-ci... ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas juste les occidentaux qui sont racistes envers une population ou religion, je pense que si la situation s'inversait ce serait pareil...

A la fin de ce livre, nous savons ce qui ne va pas et pourquoi et nous savons très peu de comment cela peut s'arranger, les effectifs a déployer selon lui...

Djémsy - Bruxelles - 37 ans - 20 décembre 2006


Beaucoup d'espoir dans ce livre... 8 étoiles

Même si ce livre n'est qu'un recueil d'évidences et ne propose pas de réponse au mal d'aujourdh'ui, c'est plaisant et plein de bonne volonté! L'identité est un thème particulièrement intéressant et A. Maalouf utilise ce concept avec justesse. Cependant ses écrits remplis d'espoir ne sont une évidence que pour les personnes qui prennent le temps de réfléchir dessus. Le projet de prise de conscience des différentes facettes de notre identité risque d'être difficile à faire assimiler car il nécessite une prise de recul, une réflexion profonde et surtout une acceptation de celle-ci... Malheureusement ce qui semble évident dans la réflexion l'est beaucoup moins lorsqu'on sait la complexité de l'être humain... Bien sur les philosophes ont toujours eu beaucoup de réponses; le problème? ce ne sont pas les philosophes qui manquent de recul et malheureusement que ce soit pour les massacres, la xénophobie et j'en passe la réflexion sur l'être humain ne semble pas au coeur des préoccupations ... L'identité un concept à étudier dés le plus jeune âge.. avec au programme A maalouf!

Bibou379 - - 39 ans - 5 octobre 2006


Identités libérées 8 étoiles

Amin Maalouf récuse l'idée que chaque personne naitrait avec une identité figée, originelle, définie une fois pour toute, à laquelle il doit se conformer tout au long de son existence. Au contraire, l'identité de chacun se forme et se transforme tout au long de sa vie en fonction de son entourage, de la société dans laquelle il vit, de ses rencontres, de ses lectures... Ce n'est pas parce qu'on nait en Belgique dans une famille francophone qu'on ne peut pas apprendre le néerlandais, sous prétexte qu'on "perdrait quelque chose". De même, ce n'est pas parce qu'on nait dans une famille musulmane à Molenbeek qu'on doit toute sa vie tenter de vivre selon les principes édictés il y a 14 siècles à un endroit où on ne mettra jamais les pieds.

L'identité de chacun est composée d'appartenances multiples (nationale, linguistique, philosophique, etc, etc), qu'on peut décliner à l'infini. Avoir conscience de ces appartenances multiples et d'une identité évolutive permet d'éviter toute forme de repli communautaire et de dérive meurtrière.

L'écriture d'Amin Maalouf est claire, simple et sereine. Son texte est ponctuée d'exemples où chacun peut se reconnaitre, ce qui le rend facilement accessible pour des adolescents. A mon avis, ce livre pourrait être proposé à la lecture dans les écoles, et en particulier dans les écoles confrontées à des tendances communautaristes. Ce serait une bonne façon de le rendre accessible à ceux qui pourraient en retirer le plus... :-)

Mieke Maaike - Bruxelles - 51 ans - 23 octobre 2005


Vivre en harmonie 8 étoiles

Le thème central de cet essai est la diversité ou comment concevoir son identité comme étant la somme de ses diverses appartenances et non une seule, comme la religion par exemple qui peut mener aux dérapages. Autour de cette idée, Maalouf explore la mondialisation, la langue, le modernisme versus l’archaïsme. C’est fait avec beaucoup d’humilité en utilisant une écriture claire et digeste. Pour quelqu’un d’ouvert, le moindrement libre penseur, le propos apparaîtra peu percutant. Il est louable de prôner la coexistence, mais expliquer comment y parvenir demeure le vrai défi. Néanmoins, il s’agit d’un ouvrage aux grandes vertus. Espérons qu’il aboutira dans les mains de ceux qui peuvent en retirer le plus.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 54 ans - 24 septembre 2005


Excellent 10 étoiles

A conseiller à tous les racistes et xénophobes.
Un livre qui va au-delà de la race humaine.
K. Boughardain
bruxelles
2003

Boughkh1 - - 51 ans - 25 juillet 2005