L'enfant qui savait parler la langue des chiens
de Joanna Gruda

critiqué par Libris québécis, le 29 juillet 2013
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Les Enfants de la guerre
Les romans sur la Deuxième Guerre mondiale inondent les rayons des librairies et des bibliothèques. Comment peut-on aborder le sujet sans suivre les ornières déjà tracées ? Joanna Gruda est parvenue à renouveler le genre en vitalisant les aspects soporifiques obligés. Elle a puisé ses informations auprès d’une source particulièrement fiable. Il s’agit de son père, à qui d’ailleurs elle donne la parole par une narration au « je ».

Le jeune Julian Gruda, qui a bien failli ne pas voir le jour, est né en Russie de parents communistes polonais. Très impliqués comme résistants, ils confient leur fils à différents parents afin de lui éviter les ennuis reliés à la belligérance. Pour assurer sa survie, sa mère fuit finalement avec lui vers la France, où elle dénicha un orphelinat tenu par des communistes.

C’est le point de départ d’un tourisme obligé. Sa tournée des différentes régions telles que la Champagne ou la Sarthe l’aide à se faufiler entre les mailles d’une guerre rédhibitoire. Il ne faut pas que l’on sache que Julian Gruda, alias Roger Binet, est un petit juif polonais. Heureusement, il apprend vite le français, même trop vite, puisqu’il oublie finalement sa langue maternelle. Sa capacité incroyable d’adaptation lui assure une sécurité relative. Il réussit à tisser des liens d’amitié avec tous et chacun. Ses pairs l’admirent parce qu’il sait se faire obéir par les chiens. Même les soldats allemands s’offrent pour lui apprendre à nager et à pêcher.

En somme, ce roman décrit la vie d’un exilé sous l’occupation. Le jeune héros tire ses marrons du feu grâce à sa résilience. Ses nombreux déplacements lui épargnent les dangers inhérents à la guerre, même pour les enfants. Je pense à Tanguy de Michel Del Castillo, un garçon espagnol du même âge condamné aux travaux forcés dans un camp allemand. C’est une œuvre apparentée à celle de Joanna Gruda. Mais on est loin du traitement plus politique de l’auteur français, natif de Madrid. Le roman de l’auteure élevée à Trois-Rivières est plus anecdotique qu’analytique. Elle a un don de conteuse exceptionnel, mais la toile de fond de son roman n’est pas assez étoffée, sans compter que son écriture ne porte pas une griffe inventive. C’est beau, c’est bien ficelé, mais ce n’est pas assez substantiel.