Les Travailleurs de la mer
de Victor Hugo

critiqué par Killeur.extreme, le 27 février 2003
(Genève - 42 ans)


La note:  étoiles
Hugo et la mer.
Avant de commencer la critique, je signale que je n'ai lu que la partie "Les travailleurs de la mer", dans cette édition précédée de "l'archipel de la manche" et suivie d'un reliquat.

Le roman est très simple à résumer: Un marginal que tous le monde déteste accomplit par amour un acte héroïque, mais à son retour la femme est tombée amoureuse d'un autre.
De cette intrigue mince, Hugo a tiré un épais roman, publié après les "Misérables" mêlant aventures,surnaturel, combat pour la survie, romance et déception amoureuse. Ce roman est aussi un hymne à Guernesey, "refuge de l'auteur et tombeau probable". Mais plus que l'ile, Gilliat est le héros de ce roman qui affrontera la mer, qui sera tour à tour, l'outil du héros, pour faire naviguer son bateau, l'ennemi du héros, qui utilisera tous ses moyens pour l'empêcher d'accomplir sa mission, puis à la fin le héros et la mer seront amis.
Ce qui fait le charme de ce roman, beaucoup moins connu que les "Misérables" c'est que le héros n'est pas le "héros", il est supplanté par la mer qui décide du destin des hommes, ceux qu'elle laissera vivre, ceux qu'elle tuera, le titre du roman le montre bien. Il est aussi hymne aux marins, ces "Travailleurs de la mer" qui n'hésitent pas à la défier, comme Gilliat dans ce roman, mais la mer, contrairement à l'homme, respecte son adversaire, reconnait sa victoire et devient son amie.
A l'école, j'ai lu "le dernier jour d'un condamné" par obligation d'abord, puis par plaisir, j'ai ensuite acheté "93" qui a confirmé mon plaisir, ensuite j'ai acheté ce roman et ainsi de suite. Au début Hugo ne me plaisait pas, car j'avais l'image d'un auteur qui ne fait que du Drame, Zola (j'ai lu Thérèse Raquin une fois, impossible de le lire une deuxième fois), mais Hugo a une manière différente de raconter ses drames (la fin de ses romans a beau être triste, elle amène de l'espoir: voir "les misérables", "93" et ce livre.) En bref, un grand livre, d'un grand écrivain.
PS: pour ceux qui connaissent Jules Verne, Hugo a, avant lui, introduit un animal dans un roman.
Une loooooooongue lecture... 8 étoiles

Ça n'a pas été une lecture facile, loin de là, je n'ai d'ailleurs réellement lu qu'une infime partie de l'ouvrage... Mais alors, comment suis-je supposée donner mon avis dessus me direz-vous ? Pour sûr, ne vous attendez pas à une grande critique et analyse de l’œuvre de ce cher Victor Hugo. Je ne l'ai déjà pas fait durant ma première (et unique) année de Lettres Modernes alors c'est vous dire...

… mais une histoire qui aura attisé ma curiosité jusqu'au bout !
Par ce bref écrit je souhaite seulement souligner que malgré de nombreuses descriptions (que je n'ai probablement pas appréciées à leur juste valeur), l'histoire et l'intrigue sont rondement menées afin de mener le lecteur jusqu'au bout (par vol d'oiseau dans mon cas ou en nageant profondément dans les abysses du récit de notre écrivain).

Malgré une lecture très peu linéaire du texte, j'ai pu saisir et capter l'histoire de fond (marin haha) et frissonner avec un dernier chapitre qui m'a carrément retournée. Voilà pourquoi j'en suis venue à écrire quelques lignes sur cet ouvrage auquel j'ai bien passé 300 pages...

Meuhriel - - 30 ans - 8 mai 2019


Le rêve est l'aquarium de la nuit 10 étoiles

Les Travailleurs de la Mer est un roman très bien construit ; j'entends par là que tout ce qui y touche n'est pas laissé au hasard. Prenons par exemple sa longueur - ces quelques six cents pages - où rien n'est de trop, où pas une ligne n'est ennuyeuse. Le premier mérite de ce roman qui est, me semble-t-il, le meilleur de Hugo, c'est d'avoir su conserver une hégémonie et une continuité dans sa longueur même. La construction est, comme d'habitude, très minutieuse, et le découpage en courts chapitres procure bien plus de plaisir et une lecture bien plus aérée que dans ces romans - citons Balzac ou Zola - qui sont construits d'une manière hermétiquement close. Voilà quelques mots pour la forme de l'oeuvre. Voyons son fond.
Comme l'ont souligné les précédents critiques, l'intrigue des Travailleurs de la Mer, ou du moins, l'intrigue intrinsèquement liée au personnage principal - Gilliat - est très mince. Mais, à l'instar de ces fleurs qui prennent leur volume dans la superposition de leurs sépales, le roman est nourri par de nombreuses scènes qui s'entrecoupent à différents endroits, et aucun élément donné par Hugo ne trouve pas son utilité plus après.
De grands thèmes émergent littéralement du roman. On peut souligner l'intérêt prononcé d'Hugo pour la modernité. Les peintures de la Durande et du pistolet de Sieur Clubin sont des grands moments de la Littérature française, c'est qu'Hugo, loin de s'embourber dans des considérations inutiles qui feraient de son roman un pauvre Drame Bourgeois, et s'éloignant d'une verve fantastique dans laquelle il serait dangereux de s'échouer, parsème son oeuvre de détails réalistes, et se permet de faire l'éloge de l'industrialisation naissante - mais est-ce vraiment un éloge ? Les personnes qui en profitent utilisent-elles ces avancées pour oeuvrer dans le bien ? La question reste ouverte.
Le deuxième grand thème des Travailleurs de la Mer, c'est, évidemment, l'Océan. Il y a de nombreuses peintures d'une mer capricieuse et détestable dans l'ouvrage : qu'on se souvienne de la montée du Brouillard lors du voyage de Clubin, ou la tempête au dernier soir de la venue de Gilliat sur les Douvres - ou la description d'un symbolisme magnifique desdits Douvres. Mais le rôle de la Mer, comme ses humeurs, est changeant, et volubile : elle apporte aussi la richesse au père de Déruchette, et elle est l'ultime consolation de Gilliat, qui, dans un excipit magnifique, s'y livre après le départ de celle qu'il aime. Ainsi Hugo ne se fixe pas dans un manichéisme dans lequel Melville ou Conrad se sont embourbés ; la finesse de son roman demeure dans la finesse de son (dés)équilibre et de sa peinture marine.
Quelques mots sur la pieuvre - dont Verne semble s'être très largement inspiré - : comme la bataille entre l'homme et le canon dans Quatrevingt-Treize, la bataille entre Gilliat et la pieuvre contribue à instaurer le thème, cher à Hugo, de l'affrontement entre le monstre et l'être humain - où chacun d'entre eux apporte un peu de son caractère à l'autre - qu'on se figure ce syncrétisme ! Mais avec ce combat, Hugo signe, plus qu'un roman sur la modernité, un roman de modernité : son style dans ce passage évoque volontiers le cinéma d'aujourd'hui.
C'étaient quelques mots pour convaincre de l'exquité de ce roman singulier - le seul, à mon goût, qui se détache vraiment des autres d'Hugo - que tous nous devrions lire, et adorer, ce roman qui apporte du rêve, l'aquarium de la nuit, et qui laisse en mémoire cette bataille éternelle des hommes et des bêtes, face à une mer destructrice.

Lisancius - Poissy - - ans - 21 juillet 2010


Sublime 10 étoiles

Et si c'était le plus beau roman de Victor Hugo ?
En tout cas, "Les travailleurs de la mer" est mon petit préféré de cet immense auteur - juste devant "Quatrevingt-treize", "Notre-Dame de Paris" et "Les Contemplations" (oui, je sais, ce dernier est un recueil de poèmes, et alors ?). Certes long, le roman est passionnant, et porte bien son nom : c'est en effet un incroyable hymne à la mer, à ses héros les marins, et à cette superbe île de Guernesey, qui fut pour Hugo le lieu d'un exil politique temporaire.
A lire et relire.

Bookivore - MENUCOURT - 41 ans - 8 avril 2008