Lettre, une tentative
de Tomas Espedal

critiqué par Alma, le 5 avril 2013
( - - ans)


La note:  étoiles
« C’est un combat/ sans adversaire/ sans autre adversaire que moi-même »
En cinq lettres, Tomas Espedal, ancien boxeur de 43 ans revient sur son passé, sur son goût venu dès l’enfance pour toutes les formes de combat et tente d’exorciser la souffrance liée à la mort de sa femme .

Cinq lettres, cinq étapes distinctes par leur contenu et par leur forme d’écriture. La première, la plus longue, intitulée La lettre de mes malheurs présente la genèse de son constant désir de se battre, de détruire l’autre, de recevoir des coups, que ce soit sur le ring, dans la rue ou dans les jeux amoureux ; une tendance spontanée qu’il a mis longtemps à vaincre « il m’a fallu quelques années pour cesser de me battre ; j’ai dû m’entraîner à contrer mes penchants » . Dans cette séquence, comme lors d’un affrontement, l’écriture épouse le rythme haletant de la boxe . Espedal écrit comme un boxeur assène des coups, comme pour se délivrer. En même temps, réactualisant le mythe d’Orphée, il s’adresse à l’aimée disparue, précisant ainsi l’objectif de cette lettre : l’accompagner dans la mort pour la retrouver . « J’irai te chercher. Je descendrai te retrouver, je te ramènerai, je t’accompagnerai vers le possible ; je ne me retournerai pas, je ne te regarderai pas, et je ne dirai pas ton nom ». Il la retrouve aussi au travers d’une jeune compagne de 17 ans qui prête sa voix à la lecture du livre écrit pour la morte, sur les lieux mêmes du bonheur perdu .

Dans la seconde lettre, particulièrement touchante, il fait revivre la femme mourante qui, toute souffrance, refuse de devoir mourir jeune, mais envisageant le devenir de son compagnon, justifie par avance la liaison avec la jeune fille « Je disparaîtrai et deviendrai une autre. Tu me retrouveras dans un autre visage »

Les lettres suivantes nécessitent de la part du lecteur un effort pour identifier locuteur, situation et personnages . La troisième est faite de courtes séquences à tonalité poétique, la quatrième m’est apparue comme une sorte de logorrhée poétique et la dernière comme un retour au narratif.

L’ensemble constitue donc une sorte d’OLNI (objet littéraire non identifié ) un peu déroutant, une forme d’écriture à visée thérapeutique, qui peut renvoyer le lecteur dans les cordes .

Le dernier combat d’un nouvel Orphée, mené non avec les poings, mais par l’écriture, non plus pour détruire un adversaire, mais pour recréer son Eurydice. Un combat que j’ai suivi avec attention mais dont suis sortie plutôt sonnée ….