La Procédure
de Harry Mulisch

critiqué par Pucksimberg, le 3 avril 2013
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Comment créer un être humain ? Qui peut s'octroyer le titre de créateur ?
Harry Mulisch s'attaque à des sujets épineux et captivants. Dans ce roman, l'auteur parle de la naissance de l'homme, du Golem, d'ADN, de la création de personnages par l'écrivain, de trouvailles scientifiques ... C'est un roman baroque à la frontière du genre. Il rappelle les romans intimistes sur un couple et ses peines, il emprunte aussi aux textes mythiques avec des allusions à Adam, Eve et Lilith, ainsi qu'au Golem et au rabbi Loew. Il renferme aussi une réflexion scientifique et ésotérique sur les chiffres et les lettres, sur le langage et des progrès scientifiques. Le derniers tiers a des allures de polar. Tout ceci pour vous dire qu'il brasse nombre de notions et de genres.

S'il fallait résumer la trame principale de ce roman polymorphe, il faudrait se concentrer sur le personnage principal, ce scientifique, reconnu pour ses trouvailles et pour son travail et pourtant malheureux à cause de sa séparation avec la femme qu'il aime. Cette rupture est due à Aurora leur fille. Je n'en dirai pas plus ...

A partir de ce point s'enchevêtrent de nombreuses réflexions. Le roman a un caractère didactique, mais semble aussi être le reflet de la pensée de l'auteur, une sorte de dissertation sur la création en élargissant l'étude à tous les domaines ( religieux, amoureux, inspiration ... ). Le roman est très bien organisé, en trois parties, avec des titres symboliques. L'on sent clairement que ce plan répond à un besoin d'interroger le lecteur.

Certaines pages sont pénibles à lire et rappellent celles de certains intellectuels prêts à tout, même à décourager leurs lecteurs. Il me semble qu'il y a une surenchère dans les informations. D'autres pages sont fabuleuses : les fameuses lettres, en position centrale dans le roman, sont touchantes. Les personnages se mettent à nu. Le drame qu'ils ont vécu est évoqué avec une profonde humanité. Certaines remarques au sujet d'Aurora sont tout simplement bouleversantes.

Harry Mulisch possède le don de transfigurer le réel. Dans tous ses romans, au départ, l'on a le sentiment de lire un roman banal sur un sujet banal et rapidement l'on bascule dans un texte savamment orchestré où les personnages touchent à l'universalité. C'est sans doute pour cette raison que l'auteur convoque souvent les personnages mythiques ( Orphée, Eurydice ... ), des références pour tous.