Main basse sur Alger : Enquête sur un pillage (juillet 1830)
de Pierre Péan

critiqué par CC.RIDER, le 23 mars 2013
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Un fait historique méconnu
En 1830, le trône de Charles X tremble sur ses bases. Louis de Bourmont, futur Maréchal de France et quelques-uns de ses amis suggèrent au Roi de les laisser tenter une expédition contre ce nid de pirates qu'est Alger, histoire de remporter facilement une victoire militaire qui permettrait de redorer à peu de frais le blason de la monarchie. Le fameux coup d'éventail donné par le Dey (gouverneur au nom des occupants turcs) au Consul de France est un prétexte tout trouvé. Commandée par l'amiral Duperré, libéral qui mettra la plus totale mauvaise volonté dans cette affaire, une impressionnante escadre réussit le débarquement d'un corps expéditionnaire de 37 000 hommes sur la plage de Sidi Ferruch. La ville d'Alger est prise presque sans combat. S'en suivent trois jours de pillage systématique des immenses trésors de la Casbah. Qui s'en est mis plein les poches ? Où et comment ce trésor a-t-il disparu ? Et à quoi tout cet argent a-t-il servi ?
Une enquête historique sur un fait méconnu qui apporte un éclairage totalement différent sur une page d'histoire toujours présentée sous l'aspect plus positif de la pacification de la Méditerranée, de la libération des peuples autochtones du joug de la Sublime Porte et sous l'apport des bienfaits de la démocratie et de la civilisation. Péan donne pour sienne la version selon laquelle, avant toute autre motivation, c'est le trésor de la Casbah qui aurait été la principale pour ne pas dire l'unique raison de cette conquête. Le livre présente nombre de documents, de témoignages de l'époque et de travaux de commissions d'enquête. Il suit pas à pas Bourmont personnage ambigu, tour à tour royaliste, bonapartiste puis à nouveau royaliste et surtout Flandin, l'homme qui à l'époque porta les plus graves accusations en parlant d'un trésor quatre à dix fois plus important que ce que l'Etat avait pu récupérer (50 millions de francs). Sa voix fut étouffée et l'affaire enterrée à plusieurs reprises car il se comporta en mythomane et en maître-chanteur, ce qui arrangea pas mal de monde. Aussi bien les banquiers comme Seillière, les affairistes comme Schneider sans oublier les militaires, les fonctionnaires, les aventuriers et jusqu'à Louis-Philippe lui-même. Le lecteur terminera ce livre très documenté (le journaliste Péan a fait un très gros travail de recherche historique) sans trop savoir quel était le montant réel de ce fameux trésor. 150 millions de francs, 200, 300 ou 500 ? L'estimation la plus haute plafonnerait à l'équivalent d'un milliard d'euros d'aujourd'hui. Un dossier très intéressant pour qui s'intéresse à cette période particulière de l'histoire. Avec un bémol cependant. Que signifie cette focalisation sur un fait finalement fort banal dans toute guerre ? De tout temps, les armées victorieuses se sont toujours servies sur le pays. Napoléon pilla sans vergogne les richesses de l'Italie du nord, tout comme Hitler le fit en France ou Staline en Allemagne et plus récemment les Américains à Bagdad. De plus, ce trésor était surtout constitué d'argent et d'or portugais, espagnol, italien et français, fruit d'années de pillage et de rapine des pirates barbaresques. Une affaire de voleur volé en quelque sorte.