La déesse des petites victoires
de Yannick Grannec

critiqué par Isad, le 27 janvier 2013
( - - ans)


La note:  étoiles
La vie auprès de génies
Qu’il est difficile de vivre auprès de quelqu’un qui a du talent et oublie souvent les contingences matérielles et ses proches pour le développer. Tel pourrait être le résumé de ce livre. L’homme génial (scientifique, artiste, ...) a besoin d’une servante qui pallie à ses besoins élémentaires et aplanit toutes les petites aspérités qui pourraient se trouver sur son passage. Tel est le rôle modeste mais crucial de ces femmes, mères, amantes, épouses qui aiment un tel individu et sacrifient dans un immense acte d’amour dévoué leurs propres désirs, ... non sans râler parfois sur leur triste sort si les compensations ne sont pas à la hauteur de leurs espérances ! Mais elles restent et continuent à servir le grand homme, éternel enfant qui serait perdu sans elles. Les petites manies, les lubies et les phobies du grand homme nous montrent l’abnégation et la patience aimante en action.

Le livre se passe pour partie au présent de 1980 lorsque Anna, jeune femme mal dans sa peau, amoureuse de son ami d’enfance Léo à l’intelligence précise, devenue responsable de documentation dans un institut universitaire grâce aux relations de son père, visite Adèle dans sa maison de retraite. Cette dernière est la femme de Kurt Gödel, mathématicien de talent, dont l’institut souhaite obtenir les brouillons de ses travaux. Une amitié naît entre les 2 femmes qui se racontent l’une l’autre. Alternent des chapitres qui relatent la vie d’Adèle et Kurt depuis 1928 de Vienne où ils n’ont pas vu venir la guerre à leur émigration aux États-Unis. Là, ils fréquentent les sommités du moment comme leurs amis Einstein ou Oppenheimer.

Certains passages sont un peu longs et un sentiment de répétition émerge de temps en temps dans cette bibliographie romancée qui présente cependant un certain côté attachant, même si je n’aime pas la fin.

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Génie quand tu nous tiens... 6 étoiles

La déesse des petites victoires je crois bien que c’est Adèle, notre courageuse héroine. Adèle a eu une vie pas comme les autres. Jeune fille pétillante, joyeuse, optimiste et gourmande, elle est danseuse de cabaret lorsqu’elle rencontre Kurt Godël, alors petit génie étudiant en mathématiques. On pourrait dire qu’il est à l’exact opposé d’elle : anxieux, hermétique, fragile et maigrichon. Pourtant Adèle va tomber follement amoureuse de lui et lui consacrera sa vie.

Une fois qu’on a lu le bouquin je vous assure qu’on se dit “ Mais quel gâchis, la pauvre petite..” Non parce que vous le constaterez très vite, notre Kurt Godël, ce n’est pas une mince affaire, il faut pouvoir se le coltiner. ça doit être le prix à payer lorsqu’on choisit de vivre, enfin plutôt d’aimer l’un des plus grands génies mathématiques du XXème siècle et fidèle ami du célèbre Einstein. Quand on y pense, c’est magnifique, c’est une histoire d’amour profonde et atypique qui arrivera à déjouer tous les tours que la vie peut réserver.

Evidemment ceux qui sont branchés en mathématiques l’ont tout de suite reconnu, the one, le fameux Kurt Godël, un grand homme de notre siècle passé. Un grand homme qui finira par sombrer dans la folie et qui laissera derrière lui des tonnes d’archives mathématiques auxquelles personne n’a encore eu accès. Nous sommes dans les années 80 et l’université de Princeton rêve de mettre la main sur le dernier joyau laissé par le célèbre Godël.

Oui mais voilà, ce n’est pas si simple. Sa veuve ne veut rien entendre et fait tourner en bourrique les nombreuses personnes que l’institut de recherches avancées (IAS) lui envoie régulièrement pour la convaincre de lâcher prise au nom des mathématiques ! Adèle est désormais une grosse dame âgée à moitié acariâtre au caractère bien trempé.

Et puis un jour, l’IAS va lui envoyer Anna Roth, une petite nana terne, grise, sans saveur au premier abord, mais qui cache une grande beauté et une grande richesse au fond d’elle. Il va alors se nouer une amitié hors du commun, intense et magnifique. Anna et Adèle vont se faire mutuellement du bien et devenir bien plus complices qu’elles ne l’auraient jamais imaginé.

Au fil de leur RDV, Adèle revient sur son histoire : son bonheur, ses joies, ses peines, ses frustrations, ses sacrifices… Elle va se livrer et se mettre à nu pour nous raconter une très belle histoire d’amour et une vie tout à fait particulière où l’on a du mal à imaginer ce que ça peut être que de vivre entourée de génies et de personnalités hors du commun. Personnellement pour moi, non merci, ça n’avait pas l’air de respirer la déglingue tout ça ! Quoi qu’il en soit, c’est plein de tendresse et de drôleries, c’est émouvant, touchant et on a tous envie de se trouver une petite Adèle pour boire son thé avec un fond de whisky (of course !) en écoutant des histoires fascinantes !

Seul hic que je mettrais au tableau : certaines conversations sont imbuvables. Les pseudos dialogues à base de théories mathématiques, physiques ou encore philosophiques sont parfois épuisantes. Honnêtement, j’ai sauté quelques passages, j’y comprenais rien et ça n’avait aucun intérêt dans l’histoire. Moi ce que j’ai aimé c’est cette amitié incroyable et improbable entre Adèle et Anna, c’est cette histoire là qui m’a le plus touchée et qui m’a embarquée dans ce livre !

La déesse des petites victoires vous embarquera en compagnie de personnalités attachantes aux vies incroyables, de la folle Vienne des années 30 jusqu’à la sobriété et le sérieux de l’université de Princeton en passant par tous les événements de dingue qui ont eu lieu au 20ème siècle. Malgré quelques longueurs et conversations à dormir debout, c’est un livre qui parle de la force de l’amour et qui raconte une très belle amitié. Pas de coup de cœur mais un bouquin sympa tout de même !

Nola Tagada - Paris - 39 ans - 7 juin 2013


Un ouvrage originalement construit mais si mal écrit … 5 étoiles

Cet ouvrage nous présente la biographie romancée de l’un des amis proches d’Einstein, le mathématicien autrichien Kurt Gödel.

La vie quotidienne de ce savant du début du 20è S. qui nous est contée par sa femme Adèle Porkert, est structurée d’une manière originale par l’auteur, alternant les chapitres selon 2 chronologies distinctes :

D’une part, Adèle se confie en narratrice, évoquant la Vienne des années ’30, sa rencontre avec le jeune Kurt, puis leur fuite aux USA et les fréquentations du couple Gödel avec les divers savants allemands émigrés à Princeton (Einstein le bon enfant, Pauli, von Neumann, Morgenstern, Oppenheimer) tous finissant par être confrontés au MacCarthysme des débuts de la guerre froide.

D’autre part, une cinquantaine d’années plus tard, la même Adèle Gödel sur son lit de mort, livre à la documentaliste américaine Anna Roth les archives de son défunt époux, tout en évoquant ses souvenirs et ses difficultés de vie avec l’illustre mari, fragile, paranoïaque et si violemment égocentrique.

Elle est particulièrement instructive, cette évocation de la première moitié du siècle dernier aux Etats-Unis, si révolutionnaire en recherches nouvelles, et qui voit s’interpénétrer les concepts de l’indétermination, de l’incertitude ou de l’indécidabilité à la fois dans les domaines de la physique quantique, de la philosophie et des mathématiques.

J’ai toutefois regretté la grande mièvrerie du style de cet ouvrage, les inutiles digressions qui en ont allongé le texte, sans parler de ses savants verbiages. C’est ce qui m’a fait parcourir en diagonale de fort nombreux passages du livre pour me réjouir enfin d’être venu à bout des quelque 460 pages de ce roman-récit, pourtant non dépourvu d’intérêt.

Ori - Kraainem - 88 ans - 13 avril 2013