Question(s) Royale(s)
de Frédéric Deborsu

critiqué par VLEROY, le 6 janvier 2013
( - 45 ans)


La note:  étoiles
Polémiques autour de la famille royale belge
Au terme de son enquête et à l'aide de plusieurs témoignages inédits, le journaliste Frédéric Deborsu nous explique le fonctionnement actuel de la monarchie avec comme fil rouge les nombreuses questions laissées sans réponse par le Palais. Albert II est un bon roi et un véritable homme d'Etat ayant le sens du contact, mais c'est un mauvais père. L'auteur retrace les problèmes conjugaux des princes de Liège, leurs deux tentatives de divorce, l'échec de l'éducation de leurs enfants et leur réconciliation à l'aube des années 80. Si le couple royal et Astrid ont aujourd'hui tourné la page de cette période tourmentée, ce n'est pas le cas pour Philippe, Laurent et Delphine qui en souffrent toujours et recherchent une certaine reconnaissance.

Comme d'autres journalistes, Frédéric Deborsu écrit au sujet de Delphine : "Le Roi ne fera rien sans l'avis positif de son épouse, la reine Paola. Il est peu probable qu'elle change d'avis. En définitive, c'est souvent elle qui a décidé de tout. En famille, Albert est souvent en retrait. Soumis à son épouse, une femme de tête. Paola ne permettra jamais à son mari de reconnaître sa fille illégitime. Elle a bien trop de fierté et de pouvoir pour accepter le poids de ce passé".

Autre rupture au sein de la famille royale : de 1960 à 1993 entre "la branche de Laeken" et "la branche d'Argenteuil". Selon l'auteur, entre les fiançailles et le mariage, Léopold III et Lilian auraient reçu des lettres d'Espagne prédisant la stérilité de Fabiola, et auraient tenté en vain de faire renoncer son fiancé à l'épouser. L'affaire des meubles emportés à Argenteuil aurait été un "prétexte officiel" pour cacher les vrais raisons.

La famille royale n'est guère unie. D'autres polémiques sont évoquées par l'auteur : les violences de Laurent à l'égard de sa petite amie Diane de Schaetzen, les citations au tribunal de Patrick d'Udekem d'Acoz par des forestiers et fermiers qu'il tente d'arnaquer, les échecs scolaires de Philippe et Laurent oubliés des CV officiels (le prince héritier a certes suivi des cours à l'Ecole Royale Militaire mais il n'en a pas été diplômé), le scandale Eurosystem (un témoignage inédit dégage le prince Albert de toute corruption), l'absence d'étrangers au sein des domaines royaux (à l'opposé des discours du Roi sur la multiculturalité et l'intégration), les problèmes de sécurité du château de Ciergnon où des scouts et Frédéric Deborsu sont entrés sans problème, etc. Par contre, on est heureux d'apprendre que le roi Baudouin a offert entièrement sa part d'héritage du prince-régent Charles (décédé en 1983) à la fille illégitime de son oncle, Isabelle Wybo. Beau geste.

L'argent est le thème d'un autre chapitre de ce livre. L'auteur estime la fortune du couple royal à 25 millions d'euros et dénonce le manque de transparence du Palais sur la Liste Civile du Roi et les dotations princières. Comment gèrent-ils cet argent donné par l'Etat? Pourquoi Laurent a-t-il acheté via la société La Compagnie des Eoliennes (dont il possède 1/4) une villa à Panarea en Sicile qu'il laisse à l'abandon? Utilise-t-il son titre pour faire des affaires? Pourquoi Astrid a-t-elle eu besoin d'une dotation alors que son époux gagne très bien sa vie en tant que co-propriétaire d'une banque suisse privée et administrateur de plusieurs sociétés? Pourquoi la Donation Royale s'est-elle mise en déficit en construisant une villa d' 1,8 million d'euro pour Astrid et Lorenz, et a dû ensuite vendre le domaine de Postel pour payer les dettes? Proche du couple royal, Vincent Pardoen, intendant de la Liste Civile du Roi, sait-il dire non à leurs caprices? Pourquoi la reine Fabiola ne rétrocède pas une partie de son importante dotation? Toutes ces questions restent sans réponse.

Le chapitre sur une éventuelle abdication d'Albert II le 21 juillet 2013 fait la synthèse de l'enquête de Martine Dubuisson pour le journal "Le Soir", et n'apporte aucun élément neuf. Affaire à suivre...

Frédéric Deborsu évoque aussi les liens de la famille royale avec la religion et le Renouveau Charismatique. Il révèle que le prince Albert a offert sa prime de départ de président de la CGER (1 million d'euros) pour la restauration de 1989 à 1996 de l'église du Finistère à Bruxelles, où les princes de Liège se rendaient à la messe dans les années 80. Bien que croyant et pratiquant, Albert II a signé les lois sur l'euthanasie et le mariage homosexuel. Et l'auteur fait remarquer : "Le premier ministre actuel est homosexuel et franc-maçon (l'antithèse de ce que doit être un croyant). Le Roi a oeuvré pour qu'Elio Di Rupo réussisse sa mission. Qui n'a rien de divine, celle-là. Albert II est très religieux mais il peut être aussi réaliste lorsqu'il s'agit des intérêts de son pays".

A côté de ces chapitres sérieux, objectifs et bien documentés, le chapitre sur le prince Philippe pose question car il se base sur des témoignages courageusement anonymes et est donc invérifiable. L'auteur sous-entend sans l'affirmer clairement que le prince aurait eu une relation homosexuelle avec le comte François de Marchant et d'Ansembourg (mais celui-ci dément) et que ses enfants seraient nés par fécondation in vitro. Il certifie aussi que Philippe et Mathilde se seraient mariés sous la pression de leurs parents respectifs, qu'ils auraient connu plusieurs ruptures entre 1996 et 1999, et que Stéphanie de Lalaing apparaissait aux côtés du prince en 1998. Impossible de dire quelle est la vérité dans tout cela...

J'ai aussi retrouvé quelques erreurs :

p.11 : "Un jour de septembre 2004, Albert et Paola visitent Namur, ma ville, durant les fêtes de Wallonie". Faux, ce fut en 2005 pour les 25 ans du fédéralisme.
p.23 : "Un bal avait été organisé pour dénicher à Astrid le chevalier servant idéal". Ce bal a bien eu lieu pour ses 18 ans en 1980 mais, comme la princesse l'a elle-même raconté, elle a rencontré son futur époux au grand-duché de Luxembourg en 1978 où ils étaient assis côte à côte.
p.24 : "Le 25 septembre 1999, c'est donc un joli coup médiatique que propose le palais royal". Faux, la présentation officielle de Mathilde a eu lieu le 13 septembre 1999.
p.28 : "Tous les princes héritiers européens de sa génération, tous, se sont liés à un conjoint qui n'a rien d'aristocrate". Faux, c'est le cas de 7 sur 10 mais il y a 3 princesses aristocrates (Mathilde d'Udekem d'Acoz, Sophie de Bavière et Stéphanie de Lannoy).
p.30 : "Le roi Baudouin lui procure une habitation, un appartement pour lui seul, dans une aile du château de Laeken". Faux, c'est dans une aile du palais royal de Bruxelles.
p.31 : "Le nouveau roi et la nouvelle reine font courir le bruit qu'ils vont venir vivre avec Philippe au château de Laeken". Faux, le prince Philippe habitait à cette époque au palais royal et a emménagé à Laeken après son mariage.
p.55 : "En ce 4 décembre 2001, au balcon de l'hôtel de ville de Bruxelles". Faux, le mariage a eu lieu en 1999 et non en 2001.
p.64 : "Qui a vu les photos de la nouvelle maison d'Astrid, un petit château construit pour sa famille à Bruxelles aux frais de la Donation Royale? Quasi personne". Faux, la princesse Astrid a ouvert les portes de sa demeure aux caméras et photographes pour le baptême de sa fille cadette en 2003, pour les 20 ans d'Amedeo en 2004, pour le reportage de "La Libre Match" lors de la fête des mères 2004 et pour ses 50 ans en 2012.
p.82 : "Paola est également de la partie lors d'un séjour au Maroc en 1964. Ensuite, il y a 15 ans sans la moindre trace d'un voyage officiel de Paola aux côtés de son mari". Faux, ils se sont rendus encore ensemble en mission économique au Mexique en 1966 et à l'Exposition Universelle de Montréal en 1967.
p.212 : "En 2010, Albert II a encore donné 90.000 euros à des personnes endettées qui avaient écrit au Palais, une somme répartie entre 450 familles". Faux, ces 450 familles ont reçu une aide financière des Oeuvres Sociales de la Reine, et non de la Liste Civile du Roi.
p.248 : "C'est dans cette église qu'Astrid et Lorenz se sont mariés en 1983". Faux, c'était en 1984.