Les lecteurs habitués aux récits groenlandais de Jørn Riel ont l'occasion avec Une vie de racontars de mieux faire connaissance avec cet auteur danois. Il nous offre, par l'intermédiaire de ces courts récits où il excelle, une sorte d'autobiographie en creux.
Riel narre ses propres aventures avec le même regard amusé et lucide qu'il adresse aux différents protagonistes de ses nouvelles. Le ton est léger, mais précis, le motif, c'est l'anecdote suffisamment étonnante et marquante pour être racontée, anecdote que l'on se remémore le sourire aux lèvres ou avec le détachement que permet l'éloignement des ans, même si les circonstances ont pu se révéler tristes ou dramatiques.
Tout commence avec une tentative infructueuse de rejoindre le continent africain à l'âge de neuf ans. Elle convaincra les plus dubitatifs qu'une vie d'explorateur ou de voyageur, on l'a dans la peau, comme pour d'autres le fait de ressentir que l'horizon de leurs collines est amplement suffisant à leur idiosyncrasie.
Si l'humour de Riel fait mouche, c'est qu'il est basé sur une bonne dose d'autodérision : que ce soit dans le ô combien difficile apprentissage de la direction des chiens de traîneau, l'école de la vie dans le Nord-Est du Groenland avec ses collègues plus expérimentés ou avec des Inuits, l'auteur sait mettre en scène ses propres aventures et mésaventures avec un savant dosage d'ironie et d'humilité.
Grand voyageur, Riel, ne s'inscrit en rien dans un droit de l'hommisme béat qui voudrait chercher dans l'étranger, un autre soi-même. Sa perception, basée sur un respect réel, ne cache en rien les caractéristiques de ses hôtes, l'odeur épouvantable des Papous de Nouvelle-Guinée occidentale, les sourires édentées de quelques belles groenlandaises, mais ceci sans un zeste de moquerie et toujours contrebalancé justement par cette capacité de sourire de lui-même.
Il y a beaucoup d'inventivité et de savoir-faire dans ces courts récits, pareils à des minéraux sortis de leur gangue, mais pas trop polis par un style qui les rendrait artificiels. La dernière partie de l'ouvrage nous emmène en Asie du Sud-Est. Elle en dit juste assez pour que nous nous précipitions nous procurer le tome 2 de cette Vie de racontars.
Kostog - - 52 ans - 18 janvier 2021 |