Le prince Nekhlioudov se retrouve juré dans le procès de trois criminels, accusés d'avoir empoisonné un marchand pour le voler. Parmi les prévenus, il reconnaît Katioucha, la jeune servante qui vivait chez ses tantes et qu'il avait séduite dix ans plus tôt, provoquant ainsi sa perte. Katioucha, la douce et belle jeune fille qu'il avait abandonnée au lendemain de la nuit fatale, depuis devenue prostituée, toujours belle mais gâchée, par sa faute, son indifférence. Les jurés n'ont que faire de ces accusés et bâclent leur délibération. Katioucha est condamnée aux travaux forcés et doit être déportée en Sibérie. Nekhlioudov, se sentant coupable de ce qu'est devenue la jeune femme et d'un jugement hâtif qu'il n'a pas su empêcher, décide de mettre tout en œuvre pour la faire rejuger et libérer.
Le repentir de Nekhlioudov face à Katioucha n'est qu'un prétexte à dénoncer la société et la justice de son époque. Une justice aveugle qui condamne les pauvres gens pour des motifs souvent dérisoires, des peines disproportionnées, des prisons pleines de ces pauvres réduits à l'état de bêtes, malades et se faisant dessus, des convois de déportés où l'on meurt en plein soleil dans l'indifférence des nobles qui quittent la ville en calèche pour aller se rafraîchir dans leurs isbas de campagne... A travers Nekhlioudov, Tolstoï démontre l'injustice de cette société féodale où les nobles possèdent tout et ont le droit de se servir sans vergogne sans prendre la responsabilité de leurs actions et ne devoir rendre de compte à personne. Il remet en cause les privilèges, plaide pour que les terres soient rendues aux paysans qui la cultivent, dénonce la pourriture et l'inutilité des prisons, la corruption, le zèle et la bêtise de fonctionnaires devenus des machines à faire respecter une loi inhumaine, accuse les religieux de participer à ce système en justifiant les peines par le repentir tout en prônant le pardon et la justice entre les hommes. Il dénonce aussi le sort des femmes, même si quelques vieux relents misogynes tenaces apparaissent à un moment du récit.
Les spécialistes de Tolstoï s'accordent pour dire que Résurrection est le plus mauvais des trois grands romans de l'auteur. Je n'en sais rien, je ne suis pas spécialiste. Mais si on lit ce livre pour y suivre un récit, alors je pense qu'on peut être déçu car au final les relations entre Nekhlioudov et Katioucha sont réduites à la portion congrue. Si l'on comprend que ce roman est un pamphlet presque révolutionnaire, alors on y trouvera une dénonciation argumentée et richement illustrée de la société russe de l'époque, où les contestataires à l'ordre établi finissaient en prison avec la complicité d'une population pauvre lobotomisée de travail et abrutie d'ignorance et de la population riche qui n'est pas prête à remettre en question ses privilèges ancestraux...
Antinea - anefera@laposte.net - 46 ans - 26 mars 2014 |