Critique de la raison pure
de Immanuel Kant

critiqué par Ngc111, le 6 octobre 2012
( - 38 ans)


La note:  étoiles
Les limites de la connaissance
Il y a deux mois que j'ai commencé ce livre.

Alors oui il y a eu des périodes de doute ; faut-il abandonner ? Oui il y a eu des périodes de remise en cause ; suis-je assez intelligent pour comprendre Kant ? Oui il y a eu des moments de désespoir ; est-ce que je me rappelle de ce que j'ai lu il y a des jours, voir des semaines ?
Lire Kant est une remise en question perpétuelle pour son lectorat, qui regarde d'un œil avide la pile de livres plus attrayants qui l'attend et qui ne cesse de grandir.

Cela valait-il le coup ? Oui, certainement. Point de mensonges ici, on ne fanfaronnera pas en déclarant avoir compris les 690 pages de philosophie ingurgitées de façon parfois mécanique. Si un tiers de l'ensemble a été assimilé on est déjà dans l'exploit. Avec son vocabulaire précis, sa structure opaque (beaucoup moins indicatrice que celle de Spinoza par exemple) et tout simplement son objet même (le champ de la connaissance dirons-nous), Kant nous entraîne dans un voyage long et d'une âpreté redoutable.

Le pire comme souvent avec la philosophie, c'est que nous, lecteur avide mais idiot, attendons des réponses aux questions les plus importantes de la matière, celle qui motivent en premier lieu la réflexion : l'existence de Dieu, l'immortalité de l'âme, l'unité du monde...
Et Kant de nous achever, à raison, en nous démontrant que la réponse à ces questions ne se trouve pas dans la raison. On ne peut que constater les possibilités offertes par cette dernière, s'interroger sur la morale, son but, son utilité.
Et Kant de nous rappeler qu'au fond, bien que l'expérience soit critiquable, car soumise aux sensations, biaisant la raison pure, elle reste nécessaire à l'être humain. Celui-ci, dans ses raisonnements pratiques, s'imagine une entité créatrice, impulsant la direction d'un monde unitaire ; et cette conviction lui est utile pour mener à bien sa vie, se convaincre de son but et d'une éternité éteignant l'éclat d'un horizon définit.
La morale, la croyance, les convictions en général, ne sont peut-être que des vues de l'esprit, ou en tout cas s'appuient sur des illusions, mais ne sont pas pour autant fausses et inutiles. Et si l'on ne peut pas prouver que Dieu existe, Kant nous indique que l'on ne peut pas prouver le contraire non plus.

On comprend alors l'auteur lorsqu'il déclare que la raison pure n'élargira pas le champ de la connaissance, mais servira à en fixer les limites. Douce ironie, on se dit alors que Kant n'a pas élargi la nôtre (il n'a pas répondu a nos questions existentielles) mais qu'il en a fixé les limites (car l'on n'est décidément pas encore au niveau pour tout comprendre).

Avec un peu de chance, si l'éternité s'offre réellement à nous... on y parviendra peut-être !
Abstraction contre empirisme 8 étoiles

L'idée principale du livre consiste à condamner les méthodes consistant à utiliser uniquement l'analyse abstraite et conceptuelle, ou uniquement l'analyse empirique, basée sur les sensations et hypothèses à démontrer. L'essentiel consisterait à utiliser les deux.
Si la philosophie est essentiellement basée sur la première et les mathématiques, notamment la logique, sur la seconde, ces deux sciences sont souvent opposées. Kant, dans ses longs développements, semble pencher pour l'empirique et l'observation, pour critiquer, de manière aussi larvée que certaine, ses collègues philosophes sur la tentation de rester au niveau de l'écume conceptuelle. Or, ni l'une ni l'autre des deux sciences ne se contente de cette prédisposition de principe, la philosophie conservant le besoin de présenter des faits et de les analyser pour asseoir ses concepts, les mathématiques comportant une part non nulle d'abstraction.

Ce livre long et difficile paraît être inscrit dans un appel aux philosophes à descendre dans l'arène et à penser toujours au bien-fondé de la méthode employée, ce qui présente le mérite de faire réfléchir utilement, bien que le propos reste justement assez souvent dans l'abstraction et ne brille pas toujours par la clarté, la pédagogie, notamment.
Cette grande réflexion sur la méthode (me) paraît un complément utile aux présentations de Descartes.

Veneziano - Paris - 46 ans - 18 juillet 2021