Ce livre est plutôt un reportage mené en république serbe de Bosnie. L’auteur prend le nom de Marc, écrivain, et il a qualifié son œuvre de roman parce qu’il a imaginé le dialogue entre le général Mladic et sa fille Ana. Cette dernière s’est suicidée, avec l’arme préférée de son père, peu de temps après le massacre de civils musulmans au marché de Sarajevo en 1994. Et l’écrivain tente de reconstituer les circonstances de cette guerre en interrogeant des Serbes. Ceux-ci disent avoir été acculés à la guerre par les autres - tandis que leurs ennemis affirment la même chose - et avoir mené un combat juste, incompris du monde, voire poussé par l’Europe (« Si tu veux acheter la maison dont tu viens d’hériter avec tes frères, dit-il, qu’est-ce que je vais faire ?
(…)Je vais m’arranger pour vous monter les uns contre les autres jusqu’à ce que la haine vous conduise à vous entretuer. Avant la guerre, la Yougoslavie était le plus grand marché de l’Europe, sa seule faiblesse était d’être une copropriété. »).
Malgré tout, ce qui ressort de ces témoignages, c’est la défaite : « Ils ont obtenu les frontières qu’ils souhaitaient des accords de paix, mais ces frontières les condamnent à un isolement qui les précipitent dans le malheur et la dépression. Néanmoins, ils sont condamnés à défendre cet isolement, ces frontières, et même à en vanter les mérites pour ceux qui ont le plus souffert de la haine des autres. »
L’auteur tente de comprendre ce qui pousse des hommes vivant fraternellement à s’entredéchirer et les mécanismes qui font ressortir le mal en nous. Il explique son approche : « Ce que j’aimerais, c’est que les gens ne me voient pas et que, se croyant seuls, ils se mettent à dire tout haut les pensées et les images qui les traversent. Je passerais mes jours à les écouter, et mes nuits à remplir des livres. Je serais le greffier de la vraie vie, celle de nos ténèbres, l’envers du décor que nous nous efforçons d’offrir chaque jour, je donnerais à voir toute la machinerie de nos âmes en plein travail, cherchant une issue à tâtons, se cognant, se blessant, éructant, pleurant silencieusement parfois, mais continuant malgré tout d’espérer atteindre la lumière. »
Dans le même temps, Lionel Duroy relie ces événements tragiques à sa vie personnelle (thème récurrent de ses livres) et à son éloignement de sa femme et de sa famille : « Nous croyons qu’à rompre avec la source du mal nous allons pouvoir inventer notre propre vie et apporter le bonheur à nos enfants, (…) alors que nous sommes faits de ce mal et qu’ainsi il continue de nous habiter et de nous ronger quoi que nous décidions, et quel que soit l’endroit du monde où nous allions nous réfugier. Nous croyons qu’un jour nous aurons le droit à l’oubli, à la paix, à la beauté, c’est ce qui nous pousse à continuer d’avancer, d’aimer, de réfléchir, d’écrire, mais sans doute n’est-ce qu’une illusion. Celui qui est issu de la haine et de la folie (…) semble condamné à ne produire que de la haine et de la folie, et ainsi à détruire les siens à son tour. »
Je trouve cependant cette forme de narration (une collection de conversations et de rencontres) peu attrayante à lire, fastidieuse, bien que très intéressante et je n’ai pas aimé certaines redondances.
Pascale Ew. - - 57 ans - 23 février 2013 |