J'aurais dû épouser Marcel
de Françoise Xenakis

critiqué par CHALOT, le 2 septembre 2012
(Vaux le Pénil - 76 ans)


La note:  étoiles
roman populaire sur nos racines

Hier dans nos campagnes

Les histoires racontées viennent de Sologne mais le lecteur pourrait se croire dans une autre région, dans la ruralité d'hier....
Les « Marcel » désignaient après la première guerre mondiale, les hommes envoyés au front et les « veuves blanches » les fiancées attendant leur retour. Ces dernières étaient bien vues, choyées par le village mais attention à celles qui osaient refaire leur vie, la vindicte populaire veillait au grain et punissait les coupables .
L'Eglise et les hobereaux du coin les soignaient, les aidaient matériellement mais la morale était stricte. Il fallait que les contrevenantes ne s'affichent pas afin que l'honneur du village soit sauf.
L'auteure nous conte quelques histoires peu banales, certaines dramatiques, d'autres plus joyeuses.
Ah cette « veuve blanche » qui en 1981 est invitée par le Maire et les médias d'accueillir son Marcel revenu, 30 ans après la guerre! Elle n'en veut pas d'autant plus qu'elle ne le reconnaît pas du tout mais bon, devant l'insistance de tout le village, elle cède....La chute vous étonnera....
Le féminisme, parfois mordant pointe dans ce livre, comme cette veuve blanche un peu particulière qui avoue dans une lettre adressée à un éditeur : « ...j'ai eu pour de vrai quelques affaires avec des hommes, c'était toujours en cachette, à la sauvette. Je n'ai pas rêvé d'une vie à deux; c'était simplement plus simple et plus rapide parfois de ne pas dire non : quasiment un servage de plus. »
Ces petites chroniques prêtent à sourire mais ne jetons pas la pierre à ces ruraux d'hier et d'avant hier. Il y avait aussi une profonde solidarité qui permettait à chacun et à chacune de ne jamais se retrouver seul et démuni.

Jean-François Chalot
veuves blanches 10 étoiles

Ah, qu'elle est douce à l'oreille la petite musique de Françoise Xenakis ! On croirait entendre couler une rivière, tant les mots s'enchaînent de belle façon au fil du récit. Dans ce recueil de sept nouvelles, d'inégale longueur, assorties d'un chapitre introductif destiné à éclairer le lecteur sur les intentions de l'auteure, le thème abordé est celui des "veuves blanches". Une tradition propre à sa Sologne natale, une des régions les plus pauvres de France avant que les plaisirs de la chasse y voient déferler le "gratin" parisien. Une veuve blanche c'est une veuve d'un genre un peu particulier, puisqu'il s'agit de jeunes filles, fiancées à un homme parti donner son sang pour défendre "l'honneur" de son pays lors de la Grande Guerre et, comme tant d'autres, jamais revenu leur assurer descendance et protection. Pourvues d'un statut particulier, ancré dans une tradition millénaire, ces "demoiselles", que la pression sociale voue à un célibat définitif, bénéficient d'avantages matériels et d'une considération auxquels la plupart d'entre elles ne voudraient pour rien au monde renoncer. L'auteure brosse un portrait de ces femmes, rendues crédules par la religion et la tradition, dont certaines vont passer leur vie à attendre le retour d'un être aimé dont le corps ne sera jamais retrouvé. Les variations sont multiples, au gré de l'imagination de l'auteure, avec un humour en demi-teinte qui ne masque pas la tendresse profonde qu'elle éprouve pour ces personnes simples mais terriblement attachantes. Au passage, un témoignage de première main sur l'évolution sociologique qu'ont connue ces campagnes si reculées jusqu'à l'aube du vingt-et-unième siècle.

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 75 ans - 28 août 2016